Au citoyen Charles Bougrat [1].
Jean Lebras fut un pauvre hère,Issu de pauvres père et mère,Par accident,A leur corps défendant.L’amour a triché la misère.Jean Lebras,Pauvre Jean Lebras !Un jour tu te reposeras !Timide et chétif de nature,Tout malingre, à la filature,Il fut placé,Sans savoir l’a.b.c.Il n’apprit que la courbature….Jean Lebras,Pauvre Jean Lebras !Un jour tu te reposeras !Sans métier, poussant dans la gêne,Homme, il devint homme de peine,Peine en tout point,Car, de dimanches point,Ce fut pour lui toujours semaine.Jean Lebras,Pauvre Jean Lebras !Un jour tu te reposeras !Il eut pour surcroît de besogneSoeur idiote et père ivrogne,Au bout le bout,Peut-on suffire à tout ?Sur le pain, le sommeil, on rogne.Jean Lebras,Pauvre Jean Lebras !Un jour tu te reposeras !Pour un salaire des plus maigres,Il passa ses jours les plus aigres,En vrai cheval,Chez un gros libéral :- Son patron plaignait fort les nègres. -Jean Lebras,Pauvre Jean Lebras !Un jour tu te reposeras !Tout en courant, mangeant sa miche,De son mal il n’était pas chiche…Se sentant vieux,Il devint envieux…Du chien… qui dormait dans sa niche.Jean Lebras,Pauvre Jean Lebras !Un jour tu te reposeras !Il n’eut pas l’amour qui soulage.Un lourd colis dans un roulage,Raide étendu,Coucha l’individu.On coud sa toile d’emballage.Jean Lebras,Pauvre Jean Lebras !Enfin tu te reposeras !
Gravesend, 1872.