Les Rapatriés de Madagascar

Nous somm’s partis r’joindre à Marseille

Tous bien portants, tous pleins d’entrain,

Nous faisions fureur et merveille,

Bombardés d’fleurs jusque dans l’train.

Mals, pas plutôt sur le navire,

On nous maquille comm’ des bœufs :

Pour nous c’était fini de rire

C’qu’on dégueulait, ah, mon pauv’ vieux !

 

refrain :

Oh, oui l pleurez, mères de France

Au récit des rapatriés,

Ils vous diront quelles souffrances

Ils ont endurées.

Oh oui, pleurez mères de France

Au récit des rapatriés,

Écoutez, écoutez

Le récit d’leurs souffrances !

 

Pendant toute la traversée

Plus d’un pensait à sa maman,

Plus d’une larme fut versée,

Mais ce n’était pas le moment,

Nous étions l’espoir d’la patrie

Ou nous avait confié l’drapeau :

Dir’ que pour cett’ chiffe flétrie

Nous. allions tous risquer not’ peau !

 

au refrain

 

Après bien des maux, on arrive

À Madagascar, sal’ pat’lin !

Mais c’est pas ’cor Tananarive,

C’est que l’commenc’ment du turbin.’

L’Hova s’carapatt’ comm’ un lièvre :

Ce n’est pas lui qu’est l’plus méchant ;

Mais faut coucher avec la fièvre

Et çà vous fout la mort dans le sang.

 

au refrain

 

La vermin’ grouill’, la dysenterie

Vous vide comm’ blague à tabac,

Et pour s’r’poser d’Ia chierie,

On n’avait pas mêm’, un mat’las.

La nuit c’est horribl’ : Quand on rêve

Un cri vous réveill’ en sursaut ;

C’est un agonisant qui crève :

Il est guéri, le pauv’ tringlot !

 

au refrain

 

Nous étions partis quinze mille,

Il en est resté les trois quarts,

Et les min’ d’or de la Grande Ile

Ne seront pas pour ces lascars.

Celui qu’a pas semé, récolte

En notre temps d’iniquité…

Mais un grand souffle de révolte

Fait frissonner l’humanité.

 

refrain :

La terre est la grande patrie

Qui convient à ceux de demain.

Après la vieille barbarie,

Nous deviendrons humains.

La terre est la seule patrie

Des peuples se donnant la main.

Compagnons

Nous serons

Heureux en harmonie !