Bon dieu, bon sang,Gelant le sangLe vent par tous les trous chahute.L’hiver est maudite saisonQui trop hâte la crevaisonDe ceux qui n’ont pas de cahute.Gueux de la routeC’est la déroute.Bon dieu, bon sang,Que le puissant,Le riche à qui bonheur abonde,Par tous les temps est bienheureux,Sans s’occuper du malheureuxQui dans sa marche vagabonde,Sur la grand’routeCherche sa croûte.Bon sang, bon dieu,Le gars sans pieuQui par ce sacré froid trimarde,À bien peine à trouver du pain ;Pour lui, vrai, ça sent le sapin.Bonne affaire pour la Camarde,Quand sur la routeTombe un sans croûte.Bon sang, bon dieu ;Le pauvre fieuSous ses minces haillons de toileAu grand froid ne peut résister ;Sans nul être pour l’assisterIl va par la nuit sans étoileCrever sans douteSeul sur la route.Bon dieu, bon sang,Pauvre passantSur cette terre où rien ne dure :N’auras-tu donc jamais comprisQue ton bonheur, d’autres l’ont pris ;Puis t’ont jeté sans procédure,Sans qu’il leur coûte,Sur la grand’route.
Prison de Fresnes, 1er décembre 1899.