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Le Mineur

Jouy, Jules


Texte de Jules Jouy (1887).


À mon ami Basly

Martyr du Prolétariat,
Le mineur, c’est le Paria
De la Terre.
Il sait qu’enfanté dans les pleurs,
Il doit être un souffre-douleurs
Sur la Terre.
Tout comme un riche, il a du sang,
Pourtant, sans murmure, il descend
Sous la Terre.
Il a soif d’azur, de grand air
Cependant il vit comme un ver :
Dans la Terre.
 
De l’heure où commence à rougir
Le soleil, qui semble surgir
De la Terre.
Où la lune. pâle, s’éteint ;
De l’heure où chante le matin,
Sur la Terre,
Jusqu’à l’heure où vers le couchant.
Le soleil tombe, au bout du champ,
Sous la Terre.
Auprès de sa lampe Davy,
Le noir mineur respire et vit
Dans la Terre.
 
Souvent, férocité du Sort !
Une clameur sinistre sort
De la Terre.
Alors, des mères, des marmots
On entend rouler les sanglots
Sur la Terre.
C’est l’insatiable grisou
Qui, dans de la chair, fait son trou
Sous la Terre.
Le mineur, prés de son flambeau,
Lui-mème a creusé son tombeau
Dans la Terre.
 
Les mangeurs d’hommes, cuits et crus,
Les parasites, les ventrus
De la Terre,
Les morts vous donnent rendez-vous…
Pour mieux entendre, couchez-vous
Sur la Terre.
Percevez-vous ce grand bruit sourd,
Ce tonnerre étouffé qui court
Sous la Terre ?
Tremblez !… C’est le grisou final !…
Écoutez pousser Germinal
Dans la Terre !…

6 mars 1887


Lampe Davy, sorte de lampe de sureté de mineur.

Germinal, allusion au roman d’Émile Zola.


Paru dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888, p. 122-124)

Il s’agit aussi du 17e titre de la série de chansons de Jouy reprises dans le le journal d’Émile Pouget, Le Père Peinard après le décès du chansonnier. Parue ici dans la (2e série, nº 51, du 10-17 octobre 1897).

Paru aussi dans : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 12-13).

Paru aussi dans Le Combat de Roubaix-Tourcoing (1906-1906), année 1, nº 8 (15 avril 1906).