À mon ami Émile Ledrain
Dès l’aube du premier malin,Le nain fut jouet du colosse ;Abel fut tué par CainAdam chassé par Dieu féroce,Monde, depuis que ton cœur bat,Les adversaires sont les mûmes ;Il persiste, le dur combatEntre les rouges et les blêmes.Les ans passent comme des jours.Depuis que l’homme cet sur la terre ;Cependant il dure toujours,Le Carême du prolétaire.« Le jeûne est le pris du travail ;À bras robustes, ventres vides. »Ces mots brillent, aux murs de Cail,Comme aux pierres des Pyramides,On les pressure, ceux d’en bas,Les rouges, les blancs et les nègres ;Hélas ! le superflu des grasEst fait de ce qui manque aux maigres.Les ans passent comme des jours,Etc., etc.Parfois, pourtant. ceux qui n’ont rienS’insurgent contre les gros ventres :La bête se fait citoyen,Les loups bondissent de leurs antres,Autour des festins désirés,Meurt-de-faim, dans l’ombre, tu rôdes ;Voici venir les fédérés,Après les Jacques et les Gaudes.Les ans passent comme les jours,Etc., etc.Ogres sans vergogne. tremblezCar les revanches sont voisines,Le paysan prendra les blés,L’ouvrier prendra les usines,Gros mangeurs, gavés jusqu’au cou,Prenez garde aux muges journées.Où nous ressaisirons d’un coup,Le Jeûne de dix mille-années !Ils arrivent, les grands laboursCar il finira sur la terre :Dans les champs et dans les faubourgs,Le Carême du prolétaire !
25 février 1887