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Chanson du Père Peinard

anonyme


Anonyme (1890). Sur l’air « Le Père la Victoire » (1888).


« Un zigue à la hauteur m’envoie une chanson qu’il a torché d’après une affiche du Père Peinard au Populo. La rime, il s’assied dessus ; il a pondu le flanche à la bonne franquette.
Gobez ça les aminches et chantez le sur l’air du
Père la Victoire :»

Soupé, soupé d’ la Politique,
Les gouvernants s’ font’nt de nous,
Pourquoi donner nos sons !
Soupe, soupé, de cet’ sal’ clique ;
Ferry, Joffrin ou Boulanger
Toujours nous diront : « Aboulez
La bonne galette que vous avez gagnée ;
Pour ne rien fout’ nous sommes nés,
À preuv’ que nous sons vos députés. »
Mais, p’t’êt’ qu’un jour,
I.e peuple, las de voler,
À tous ces bons hommes-là
Dira : « T’as d’muf’ », foutez l’camp d’là
Ou cré nom de nom,
J’vas vous fout’ mon pied dans l’foiron. »
 
Refrain
Vous qui votez toujours,
Vous croyez-vous assez veinard !
Pauvre souverain d’un jour,
Écoutez le vieux Père Peinard ;
Il vous dira que la dynamite
Fait les choses en grand et plus vite
Que tous ces papiers
Que dans les urnes vous avez fourrés.
 
Moi-même qui me crois un bon fieu,
Si des gourdées me nommaient,
Comme les autres je serais :
Personne n’est maître,
Personne n’est dieu.
Mettre une bonne pomme dans les gâtées,
C’est un sale truc pour la garder.
À l’atelier, l’ouvrier qui devient
Contre-maître, vous traite en chien ;
Ou l’soldat qui devient sergent
Vous dit tout de suite : « J’vous fous dedans. »
Donc, à ces candidats,
Dites leur : « Tas d’mufs, foutez le camp d’là
Ou cré nom de nom,
J’vas vous fout’ mon pied dans l’foiron. »
 
Des abrutis répètent en chœur ;
« Il faut un gouvernement. »
Ça, c’est un sale boniment ;
Un gouvernement. ah ! chaleur !
Pour nous casser la margoulette
Quand nous réclamons de la galette.
Espèce de moules, si nous étions moins sots.
Au lieu de voter bêtement,
Nous prendrions tout bonnement
Le pain, le vin et tout le fourniment
Qui nous est nécessaire.
Et nous dirions à ces croquants :
« Fermez vos battants,
Nous sommes marrés d’vos boniments. »

Chanson parue dans Le Père Peinard nº 51 (1er mars 1890).

Sur Gallica (vu le 6 octobre 2022) :

« Le Père La Victoire »
Le Père La Victoire fut composé par Louis Ganne (1862-1923) sur des paroles de Lucien Delormel (1847-1899) et Léon Garnier (1836-1901).

L’air, créé par Paulus (1845-1903) en 1888, prête sa voix à un vieux soldat qui relate ses souvenirs de combat et souhaite une revanche à la défaite de 1870. À l’armistice [de 1918], la chanson fut dédiée à Georges Clemenceau auquel fut attribué le surnom de « Père la Victoire ».

« […] J’ai vu la guerre au bon vieux temps,
Quand nous faisions campagne,
Là-bas en Allemagne,
À peine si j’avais vingt ans,
[…] »

La chanson est elle-même — sous-titrée « au fils du grand Carnot » — est sur l’air de « la Marche française »

Jules Ferry (1832-1893), homme politique, anti-communard, colonialiste, plusieurs fois ministres et/ou Président du conseil des ministres.

Jules Joffrin (1846-1890), homme politique. L’un des créateurs de La société des Droits de l’Homme et du Citoyen, en réaction au boulangisme.

Georges Boulanger (1837-1891), général et homme politique, ministre de la Guerre en 1886-1887. Ses discours belliqueux ont favorisé la naissance d’un mouvement boulangiste.