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La Petite fleur bleue

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1911). Sur l’air « Ça fait toujours plaisir ! ».


Dimanche, dans tous les quartiers de Paris, on vit des dames mûres, des dames élégantes et des petites jeunes filles insister auprès de chacun pour lui vendre une Fleur bleue montée en épingle — « Pour nos soldats du Maroc — disaient-elles — et pour les agents victimes du devoir ! »
Les Journaux.

Les deux mains dans mes poches,
Me prom’nant dimanch’ soir,
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Me prom’nant dimanch’ soir,
Un’ dam’ de moi s’approche
Tout au coin du trottoir,
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Tout au coin du trottoir ;
En voyant sa figure,
Je fus forcé d’conv’nir
Que la dame était mûre…
Ça fait toujours plaisir
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Ça fait toujours plaisir !
 
Heureus’ment mes alarmes
Ne durèr’nt qu’un moment,
Ah !…
Ne durèr’nt qu’un moment,
Ça n’était pas ses charmes
Qu’elle offrait présent’ment,
Ah !…
Qu’elle offrait présent’ment.
Non ! cette femme honnête
Vint simplement fleurir
Le r’vers de ma jaquette…
Ça fait toujours plaisir
Ah !, etc.
 
— Pour le Maroc — dit-elle
Après c’t’acte élégant
Ah !…
Après c’t’acte élégant,
Brandissant avec zèle
Une boîte en fer blanc
Ah !…
Une boîte en fer blanc ;
Alors, natur’ benoîte,
Je pus voir s’engloutir
Mes deux ronds dans sa boîte…
Ça fait toujours plaisir
Ah !, etc.
 
Maint’nant que va-t-on faire
De mes pauvres deux ronds ?
Ah !…
De mes pauvres deux ronds ?
La « casse » de la guerre,
C’est eux qui la paieront !
Ah !…
C’est eux qui la paieront
Par ricochet, je pense
Qu’ils vont ainsi servir
Aux Requins d’La Finance…
Ça fait toujours plaisir !
Ah !, etc.
 
À d’autr’s usages encore
Servira mon billon :
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Servira mon billon
Les doux flics que j’adore
En auront un’ portion !
Ah !…
En auront un’ portion !
Ayant r’çu des châtaignes
Lorsque l’on peut se dir’ :
« Ça, c’est pour Portenseigne »
Ça fait toujours plaisir
Ah !, etc.
 
Depuis lors, en des termes
Pris au langag’ des fleurs,
Ah !…
Pris au langag’ des fleurs,
La fleur bleu’ qu’un’ main ferme
Piqua près de mon cœur,
Ah !…
Piqua près de mon cœur,
M’dit d’façon péremptoire
Et m’répète à loisir :
« Mon vieux, tu n’est qu’un’ poire !  »
Ça fait toujours plaisir !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah,
Ça fait toujours plaisir !

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915) (21-27 juin 1911).