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Ces choses-là

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1911). Sur l’air « [D’elle à lui,] Ce qu’une femme n’oublie pas » de Paul Marinier (1866-1953). Puis musique de Claude Antonini (2005).


Au vigneron champenois.

Lorsque t’entendais parler au village,
Brave homme à la têt’ dur’ comm’ ton sabot,
De l’Action directe et du Sabotage,
Tu restais vitré comme un escargot ;
Calme paysan des coteaux tranquilles,
Au fond d’ta jugeot’ tu pensais comm’ ça :
« C’est des inventions des gâs de la ville
Et, moi, je n’peux pas comprendr’ ces chos’s-là ! »
 
Si les exploiteurs qui pressur’nt tes frères,
Pauvres ouvriers, pauvres citadins,
Font l’geste d’abattr’ leurs griff’s sur ta terre
Ta vieill’ « comprenoir » se réveill’ soudain :
Paysan, t’es pas si bêt’ qu’on suppose
Ni qu’tu veux l’faire croir’, sacré nom de d’la !
Si ton intérêt se trouv’ mis en cause
T’as rud’ment vit’ fait d’comprendr’ ces chos’s-là !
 
Aujourd’hui, voilà c’qui s’pass’ dans la Marne
D’après les dernièr’s nouveil’s des journaux :
Au sac des celliers la foule s’acharne
Brisant les bouteill’s, crevant les tonneaux ;
Les ruisseaux débord’nt de flots de champagne
Et les vign’s avec leurs grands échalas
Sont comm’ des bûchers au coeur des campagnes…
Foutre ! t’as grand’ment compris ces chos’s-là !
 
Esclav’ des usin’s, esclav’ de la terre,
Les vœux de nos cœurs sont les mêmes vœux :
Tous deux nous souffrons de la mêm’ misère.
Nous avons le même ennemi tous deux !
Paysan, mon vieux, allons, que t’en semble ?
Pour la grande lutt’ qui bientôt viendra,
Donnons-nous la main et marchons ensemble
À présent que t’as compris ces chos’s-là !

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915) (12-18 avril 1911).