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Gloire à Rousset

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1910). Musique de d’Alcib Mario (Joseph Léon Heckmann, 1870-1945).


Pour saluer la mise en accusation des assassins d’Aernoult, les Bons Bougres aimeront à chanter le poème vengeur de Gaston Couté. Plus que jamais vive Rousset libre ! »

Aujourd’hui la Patrie a semé trop de crimes
Parmi les sables de là-bas
Et le peuple est lassé de pleurer les victimes
Qui sont ses frères et ses gas.
Dans le pays de longs murmures
Ont fait place aux muets sanglots :
Assez d’odieuses tortures !
Il faut combler tous les silos !
 
Refrain
Vive Rousset ! que ce cri vibre,
Hideux chaouchs pour vous flétrir !
Vive Rousset, et qu’il soit libre
C’est Biribi qui doit mourir.
 
Au refrain
 
Le sang du pauvre Aernoult étoilait sa cellule :
Mais l’ombre cernait les barreaux.
Et déjà le silence, avec le crépuscule,
Couvrait le forfait des bourreaux,
Quand, de Rousset l’appel tragique
Vint retentir comme un tocsin
Dans l’enfer des bagnes d’Afrique :
À l’assassin ! À l’assassin !
 
Au refrain
 
Rousset, après avoir rempli son noble rôle,
Sur ses épaules de martyr,
Sentit les quatre murs de son horrible geôle
Plus sourdement s’appesantir.
Mais, rengainez la griffe immonde
Que sur sa chair vous abaissiez,
Pour renifler le vent qui gronde…
O vils et lâches carnassiers !
 
Au refrain
 
Héros de Biribi, nous saluons ta gloire !
Rousset, tes lauriers sont plus beaux
Que les lauriers fleuris au sein de la Victoire
Et moissonnés sur des tombeaux.
Et vous ! crevez dans votre honte
Comme en un linceul empesté,
En entendant ce cri qui monte
Du plein cœur de l’Humanité :
 
Au refrain
« Glorie à Rousset », paroles de Gaston Couté, musique de Alcib Mario
« La Chanson de la semaine » de La Guerre sociale du 28 décembre 1910 au 3 janvier 1911 (4e année, nº 55).

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915), 4e année, nº 55 (28 décembre 1910-3 janvier 1911). La seule de la série à avoir une musique originale.

Albert Aernoult (1886-1909), mort de sévices — le 2 juillet 1909 —au camp de discipline du pénitencier de Djenan El Dar (sud algérien).
Émile Rousset (1883-1961), protagoniste de l’« affaire Aernoult-Rousset » pour avoir dénoncé le crime sur Albert Aernoult. Il est condamné à cinq ans de prison pour celà (février 1910), puis gracié (13 avril 1911), il est poursuivi pour meurtre et commandé à 20 ans (9 décembre 1911) avant de bénéficier d’un non-lieu. Il se rapproche ensuite des anarchistes. Voir une brève de La Guerre sociale, 4e année, nº 11 :

« L’assassinat d’Aernoult »
On se souvient du meurtre du disciplinaire Aernoult, dont nous vouas avons parlé.
[…] Rousset, qui a d’abord été mis au cachot, en prévention du conseil, puis condamné à cinq ans, pour son témoignage sur le meurtre d’Aernoult.
[…]
Son acte est vraiment admirable.
Témoin de l’assassinat d’Aernoult, il n’hésita pas à dénoncer le crime commis, à nommer les coupables et à se déclarer prêt à en témoigner devant n’importe qui.
Alors que la plupart du temps, les disciplinaires témoins des actes de sauvageries à Biribi, se taisaient par peur des représailles terribles des chaouchs, Rousset n’hésita pas. Il savait ce que cela devait lui coûter : le cachot, les menaces, les tortures, le conseil de guerre, la condamnation.
Cet homme, un héros celui-là, n’a pas tremblé un seul moment, il a crié ce qu’il avait vu, ce qu’il savait.
Il paye actuellement dans un de ces bagnes abominables qui sont la honte de l’humanité son acte courageux et son geste héroïque.
Et cet homme est un de ceux que l’opinion publique, trompée par les journaux bourgeois, appelle des apaches. C’est un hors-la-loi ! C’est un malhonnête homme ! Il est à Biribi.Combien de nos héroïques galonnés n’auraient osé faire son geste magnifique, sublime ?
La Guerre Sociale (du 23 février au 1er mars 1910)

Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 155-156).