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Il avait un tire-bouchon !

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1910). Sur l’air « Elle avait un’ jambe en bois ».


On a traduit en correctionnelle à Paris, un homme, sous l’inculpation de port d’arme prohibée — on l’avait trouvé porteur d’un tire-bouchon.
Les Journaux.

D’puis quéqu’s jours la Police
Se dépensait en vain.
Mais grâce à sa malice,
Ell’ triomphe à la fin ;
Ell’ vient de mettr’ la patte
Sur un individu
Dont la noirceur éclate
D’façon inattendu’
Car au moment
D’son « emball’ment » :
 
Il avait un tir’-bouchon
Dans la poch’ de son veston ;
On s’demande où s’arrêt’ra
L’audace des scélérats ?
Ah !
Il avait un tir’-bouchon…
Afin d’tirer les bouchons
Lorsqu’il voulait déboucher
Des bouteill’s trop bien bouché’s…
L’co-chon !
Il avait un tir’-bouchon !
 
« Ah ! lui dit l’commissaire
D’un p’tit air connaisseur,
Du crim’ de la Glacière
Seriez-vous l’auteur ?
Car enfin, sapristoche !
Je ne crois pas m’tromper,
Vous avez dans votr’ poche
Une arme prohibé’ ! »
Et l’garnement
R’prit cyniqu’ment :
 
Ça ?… mais c’est un tir’-bouchon
Que j’porte dans mon veston !
(On s’demande où s’arrêt’ra
L’audace des scélérats ?)
Ah !
Ça ?… mais… c’est un tir’-bouchon
C’est pour tirer les bouchons
Lorsque j’ai-z-à déboucher
Des bouteill’s trop bien bouché’s »
L’co-chon
Il avait un tir’-bouchon
 
— « N’êt’s-vous point — lui dit l’juge —
Ce saboteur endurci
Qu’a fait tant de grabuge
Durant tous ces temps-ci ?
Car si de sabotage
Vous n’vous mêliez null’ment,
À quel sinistre usage
Vous servait c’t’instrument ?) »
Et le bandit
Lui répondit :
 
Ben quoi ?… C’est un tir’-bouchon
Que j’porte dans mon veston
(On s’demande où s’arrêtera
L’audace des scélérats ?)
Ah !
Ben quoi ?… C’est un tir’-bouchon…
C’est pour tirer les bouchons
Lorsque j’ai-z-à déboucher
Des bouteill’s trop bien bouché’s »
L’co-chon
Il avait un tir’-bouchon !
 
« Vous avez — dit Lépine —
Conspiré ! Sans cela
Ce chos’… cette machine…
Ké qu’ ça viendrait foutr’ là ?
Non, ça n’est pas la peine
De m’creuser l’ciboulot
Car je tiens (quelle veine !)
Un’ pièc’ du complot »
L’conspirateur
Fit « Et ta sœur ! »
 
Dans l’troubl’ de leur âme
Les juges épatés
D’voir un êtr’ si infâme
L’ont tout d’suite acquitté,
Se disant « Pas possible
D’condamner c’gredin-là
Son crime est trop terrible…
Fallièr’s le graciera ! »
Rapport à ça
Il s’en tira !

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915), 4e année, nº 47 (2-8 novembre 1910).

Louis Lépine (1846-1933), préfet de police.

Armand Fallières (1841-1913), président de la République.