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La Plaisante Première communion

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1910). Sur l’air « Le Bal à l’Hôtel de ville » de Maurice Mac-Nab (1856-1889).


L’incapable successeur de Léon XlII vient de décréter que dorénavant les enfants feront leur première communion non pas à l’âge de onze et douze ans, mais à sept ou huit ans !
Pourquoi pas tout de suite au biberon ?
Ce serait encore plus prudent pour sauvegarder la pureté de la foi et préserver les jeunes âmes de la contagion du doute et des embûches du libre arbitre.
Le Rappel.

I’ s’en pass’ de tout’s les couleurs
À la place du Tertre :
L’aut’ soir un marchand d’sacrés-cœurs
Et d’souv’nirs de Montmartre,
En rentrant chez lui
Autour de minuit
Trouve — spectacle infâme ! —
Un méchant curé
Qu’avait l’doigt fourré
dans le… nez de sa femme ! (bis)
 
Voyant s’étaler sous son toit
Des mœurs aussi mauvaises,
Vlà l’pauvr’ qui gueul’ comme un putois
En bousculant les chaises :
— « Sacré nom de d’là !
Qu’est-ce que tu fous là,
Pourceau de sacristie ? »
L’autr’ sans s’déranger,
D’un ton dégagé,
Répond : « j’présent’ l’hostie ! » (bis)
 
Prenant pour un vil calembour
Cett’ réplique du prêtre,
L’marchand braill’ « tu vas faire un tour
Par-dessus la fenêtre,
Espèc’ de Borgia
Au monde il n’y a
Pas d’salaud d’ton calibre ! »
Mais l’autr’ fait un sign’
Très noble et très dign’
De sa main resté’ libre (bis)
 
« Là, là, vous allez éclater !
Calmez-vous mon brave homme !
Oyez plutôt la volonté
De notr’ Saint-Pèr’ de Rome :
Pour quTâme des enfants
Au Mai triomphant
Demeure inaccessible,
Faut qu’nous leur donnions
La Saint’ communion
L’plus tôt qu’il est possible ! (bis)
 
Or, enceint’ de quatr’ mois au plus
Votre épouse fidèle
S’préoccup’ déjà du salut
Du p’tit qu’ell’ porte en elle ;
Et, chrétienn’ zélé’,
Ell’ m’a fait app’ler
Pour qu’en sa r’trait’ profonde
Je fass’ communier
Votr’ jeune héritier
Avant qu’i n’vienne au monde ! (bis)
 
C’est scabreux d’colloquer l’bon Dieu
En pareille occurrence :
Mais la grâc’ pass’ par ousqu’ell’ peut
Mon brave, y-a pas d’offense ! »
— « Non, non !… fait l’papa
Qu’en reste baba,
Mais je trouve, mazette !
Que votr’ sacrement
N’est… évidemment…
Pas dans une… musette ! » (bis)
 
Là-dessus, le curé s’en va…
Alors notr’ Boubouroche,
Avec des airs de St Thomas
Dit à sa femme : « approche ! »
Et l’oreill’ collé’
Su’ l’ventre gonflé,
I’ s’écri’ : « Mélanie,
J’entends — quel succès —
L’salé’ qui chant’ « c’est
L’plus beau jour de ma vie » (bis)

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915), 4e année, nº 39 (7-13 septembre 1910).