Accueil > Chansons > La Complainte de Graby

La Complainte de Graby

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1910). Sur l’air « La Complainte de Géomay » d’Aristide Bruant.

Graby est déjà cité dans une autre chanson de 1910 de Couté : « Délicatesses d’éléphants » (pour La Barricade, nº 10, 10 aout 1910).


Comme il était fils de mouchard,
Dans la « Rousse » i’ d’vait fair’ plus tard
Sa carrière :
Voyou féroce et sans pitié
Il aurait honoré l’métier
De son père ! (bis)
 
Il aurait pu de temps en temps
Zigouiller des manifestants
Et descendre
Jusqu’à des p’tits goss’s ainsi
Que l’on a vu fair’ ces jours-ci
Au pont d’Flandre ! (bis)
 
Mentant et bavant tout son saoul
Il aurait pu fair’ couper l’cou
D’un pauvr’ diable
Aussi bien qu’ce Maugras qu’on a
Vu complic’ d’un assassinat
Effroyable, (bis)
 
Il aurait pu, soirs et matins,
Rassasier tous ses instincts
D’brut’ mauvaise :
Dans la mouscaille et l’raisiné
Le bougre aurait pu s’en donner
À son aise ! (bis)
 
Môssieu Lépine aurait pensé
Par-devant le nombre insensé
D’ses victimes :
« Voilà le serviteur rêvé !… »
Et puis il aurait approuvé
Tous ses crimes ! (bis)
 
Mais c’est-y-bêt’ ! Vlà que l’mouch’ron,
Sans attendr’ les ordr’s du Patron,
Dans sa hâte
De voir couler le sang humain
Un jour a voulu mettr’ la main
À la pâte… (bis)
 
Qu’il soit puni cet imprudent !
Mais tout doux, tout doux, cependant :
Qu’on s’rappelle
Que pour un apprenti mouchard,
Il a simplement péché par
Excès d’zèle !… (bis)

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915), 4e année, nº 34 (3-9 aout 1910).

Dernière heure
Nous sommes en mesure d’affirmer que le soldat Graby, après avoir été gracié de la peine de mort par le mastodonte élyséen, verra un 14 juillet prochain sa peine entièrement effacée. Graby reviendra donc prochainement parmi nous.
Dans cette attente, la Préfecture de Police lui réserve une des premières places dans une brigade de la Sûreté. Graby sera chargé de veiller spécialement sur les vieilles rentières.
Espérons qu’il saura se montrer à la hauteur de sa mission.
La Guerre Sociale (du 27 juillet au 2 août 1910)

La Rousse, surnom de la police.
Maugras (et Vors) agents de la police des mœurs qui accusèrent Jean-Jacques Liabeuf de proxénétisme.
Louis Lépine (1846-1933), préfet de police.