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Nos Q. M. en vacances

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1910). Sur l’air « Quand on a travaillé ».


Voici les vacanc’s ! — Ça pu’ dans la Chambre
Grâce à tout l’ling’ sal’ qu’on y déballa,
Et ce cri joyeux réveill’ plus d’un membre
Qui dormait, le nez dans cette odeur-là.
Voici les vacanc’s ! Tous bouclent bagage
Et se précipit’nt, pour passer l’été
Vers les frais sommets ou la verte plage
Histoir’ de s’refaire un peu la santé…
 
Refrain
Quand on a… rien foutu
Pendant six s’main’s au plus :
(On n’peut pas s’tuer pourtant
Pour quinz’ mill’ francs par an !)
Quand on a… rien foutu
Pendant six s’main’s au plus,
On a vraiment besoin
De se r’poser trois mois au moins !
 
D’aucuns vont aller sur quéqu’ plag’ mondaine
Chercher dans le jeu l’oubli d’ieurs travaux
Auront-ils la guigne, auront-ils la veine
L’soir au casino devant les p’tits ch’vaux ?
Quelle vi’ d’enfer ! La roulette apporte
Dans le simple cours de son p’tit trajet
Des émotions autrement plus fortes
Que cell’s qu’ils éprouv’nt au vot’ du budget !
 
D’autres, en quelque provinc’ retirée
Gout’ront les douceurs de la vi’ d’château,
S’essoufflant au bal, toute la soirée
Mangeant d’la poussier’ le jour en auto :
Il faudra qu’ils soign’nt leur langage où sonne
Souvent plus d’un mot un peu sans façon :
On ne parle pas à Mam’ la Baronne
Comme à ses confrèr’s du Palais Bourbon.
 
Quelques-uns, de plus rustique nature
Nemrods bedonnants et joyeux garçons
Iront dans leurs terr’s faire l’ouverture
Traçant les guérets, battant les buissons ;
Mais de fusiller les lapins qui s’vautr’nt
Dans le serpolet et le thym en fleurs,
C’est plus fatiguant que d’en poser d’autres…
De ceux-là qu’ils pos’nt à leurs électeurs !
 
Ils seront vit’ las de cette existence,
Nos chers députés, nos graves élus,
Rincés par le jeu, vannés par la danse,
Fourbus par la chass’ ne se tenant plus ;
Et quand les premiers brouillards de novembre
Sur l’onde et les bois viendront se poser
Nous les verrons tous regagner la Chambre
Pour pouvoir enfin vraiment se r’poser…
 
Refrain final
Quand on s’est esquinté
Comm’ ça tout un été
On n’peut pas s’tuer pourtant
Pour quinz’ mill’ francs par an !
Quand on s’est esquinté
Comm’ ça tout un été
On a vraiment besoin
De n’plus rien foutr’ huit mois au moins !

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915), 4e année, nº 32 (20-26 juillet 1910).

La rémunération annuelle de 15.000 francs que ce sont octroyé les députés en 1910 a donné l’expression « Q.M. » — synonyme de député — et à faire le bonheur des antiparlementaires. Deux affiches de Jules Grandjouan pour le Comité révolutionnaire antiparlementaire sont sur ce thème.