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Le Dindon de la farce

Couté, Gaston


Texte signé « le Subéziot » (Gaston Couté, 1910).


Le sympathique directeur
De ?… des… « Fantaisies Policières »
Un jour manda son régisseur
Et lui dit sans plus de manières :
 
— Voilà, mon cher Yves Durand,
— Notre prochaine pièce est prête :
Il ne manque qu’un figurant
Pour monter 1’ « Affaire Rochette »
 
J’ose espérer un gros succès
Car je compte que ça va faire
Un scandale comme au Français.
« Les affaires sont les affaires ! »
 
Donc, grouillez-vous pour me trouver,
Où vous voudrez, quelque bon diable
Pouvant jouer au pied levé
Un bout de rôle… indispensable ?
 
— Bon ! fit l’autre et, sans chercher trop,
Il laissa sa dextre s’abattre
Sur l’épaule de Pichereau
Qu’il emmena droit au théâtre.
— Hé, hé ! pas mal !… très bien… Ça va !
Gardez votre petit costume
De vieux mineur de la Nerva,
Portez-le comme de coutume !
 
Mais, pour les gestes, halte-là !
Fourrez vos deux mains qui vous gênent
Dedans ces trois Manchons Hella
Et maintenant, entrez en scène !…
 
Marchez ! vous travaillez pour l’Art !
Pour la Beauté ! Pour la Lumière !
Et je vous prédis, mon gaillard.
Un tabac monstre à la première…
 
Vient la première !… Tout d’abord
Ça va bien, on trouve ça drôle,
Et puis soudain, le traître sort
Cavalièrement de son rôle.
 
Alors, le public sans pitié
Réclame, siffle. Un titi pousse
Ce cri du haut du poulailler :
« On dirait que ça sent la Rousse ! »
 
Voyant les choses se gâter,
Le régisseur de la Police
Disparaît, plein d’agilité,
Au fond d’une obscure coulisse
Et Pichereau seul reste là.
De trouille les fesses enduites,
Agitant ses manchons Hella
Sous la grêle des pommes cuites…

(Samedi 23 juillet 1910)


Paru dans La Barricade, nº 8 (23 juillet 1910).