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Nos retraites ouvrières

Clovys


Texte de Clovys (≤ 1927). Sur l’air « Les Veines ».


1
D’avoir travaillé
Le pauvre ouvrier
Crevait dans une misér’ noire
Nos députés, émus de tant de déboires,
Nous ont inculqué
Et font appliquer
Un’ loi vraiment méritoire
Dont les bienfaits
N’ rest’ront pas sans effets ;
Désormais les vieux travailleurs
Verront s’lever des jours meilleurs
Ils touch’ront à soixant’cinq ans
Une rent’ mensuell’ de « cinq francs ! »
 
Refrain
De m’avoir mis au monde ma mère est fière,
Comme ell’, mes bons amis, réjouissez-vous donc !
Nous avons maintenant des r’trait’s ouvrières
Ouf les r’trait’s ouvrières nous les avons !
 
2
Mais pour éviter
De mécontenter
Qui qu’ce soit dans cette affaire,
Futurs rentés nous n’aurons qu’un geste à faire,
Au gouvernement
Verser gentiment
Un p’tit impôt d’prolétaire
Si bien compris
Qu’nous n’serons pas surpris
De ne jamais rien recevoir
Avant de crever certain soir
À la porte d’un hôpital
Sans avoir atteint l’âg’ légal.
 
Refrain
Mais, lorsque nous serons conduits au cim’tière,
Dans la ru’, les badauds se découvriront,
Ell’s sont économiqu’s nos r’trait’s ouvrières
Puisque, c’est une fois morts que nous les touch’rons
 
3
Trouver un moyen
D’les avoir pour rien
Bien avant que tu ne crèves,
Brav’ plébeien, voilà qui trouble tes rêves
Mais, pauvre insensé,
Tu n’as pas pensé
Que si’ tu te mets en grêve,
Tu obtiendras
Tout ce que tu voudras ;
Pour bien te prouver qu’t’as raison
On t’mettra d’abord en prison,
Puis si cela ne suffit pas
On t’enverra des p’tits soldats !
 
Refrain
Il y aura des ball’s dans les cartouchières,
Et tes enfants, dev’nus soutiens des patrons,
Te paieront sans tarder tes r’trait’s ouvrières.
Par l’guichet des lebels [1], au son des clairons !
 
4
Nous pourrions pourtant,
Sans attendr’ longtemps
Assurer notre retraite
En supprimant le bourgeois qui nous maltraite,
Et dès le lend’main,
Vivant en commun
Dans un’ société parfaite,
Fair’, pour toujours,
Naître les heureux jours
Ou, sans or, sans lois, ni patrons,
Tous les êtres s’épanouiront
Au doux contact de liberté
Dans un’ radieus’ fraternité
 
Refrain
Quand l’amour régnera sur la terre entière,
En Frères, chaque jour, nous travaillerons,
Pour donner aux vieillards des r’trait’s ouvrières,
Tandis qu’près des berceaux les mamans chant’ront

http://anarlivres.free.fr/pages/biblio/complements_texte/ChansonsClovys.html

Publié aussi dans le recueil nº 9 (1927) de Nos chansons (1920-1930) de La Muse rouge.


[1Le fusil à répétition (dix balles) Lebel fut adopté par l’armée française en mai 1887. Il servit lors de la fusillade de Fourmies (Nord) le 1er mai 1891 où la troupe tira sur des manifestants qui réclamaient pacifiquement la journée de huit heures. Bilan : neuf morts, dont deux enfants, et trente-cinq blessés.