À mon ami Paul Alexis
1Depuis qu’d’un temple on l’a chargé,Not’ vieux Montmartre est bien changé,Grâce aux travaux qu’on exécuteSu’ la Butte.2Autrefois, des mains et des pieds,Fallait grimper sans escaliers.On s’embêtait pas un’ minuteSu’ la Butte.3Quand je m’promène en haut pour voir,En riant je m’souviens d’avoirDéchiré ma premièr’ culbuteSu’ la Butte.4C’est que j’ la connais dans les coins ;Ses sentiers, d’mes jeux fur’nt témoins.Avec les fill’ on f’sait la lutteSu’ la Butte.5Parmi les gru’s à faux chignonsQu’habit’nt des hôtels à pignons,I’ y’en a plus d’un’ qui débuteSu’ la Butte.6Pour ma part, j’connais un’ catinQui d’meure au s’cond, Chaussé’-d’Antin,Et qui, jadis, f’sait la culbuteSu’ la Butte.7De l’atelier fuyant l’tintoin,Du côté qui r’garde Saint-Ouen,On valsait, au son de la flûte,Su’ la Butte.8Aujourd’hui, dans l’bal du Moulin,L’calicot va fair’ le malin.On n’ dans’ plus maint’nant, on chahuteSu’ la Butte.9Bien que l’pays soit transformé.Du peuple il est toujours aimé.Je n’crois pas qu’personn’ me réfuteSu’ la Butte.10Bien qu’on trouv’, dans un d’ses p’tits ch’mins,Le Cabaret des assassins,Y’ a pas d’escarp’s ; jamais on n’ buteSu’ la Butte.11Je sais bien qu’i’s ont planté d’ssusLeur s’rin d’« Sacré-Cœur de Jésus ».Mais l’populo n’est pas un’ bruteSu’ la Butte.12Et quand i’s chanteront, dans leur chœur,Les cantiques du Sacré-Cœur,Tout l’mond’ leur-z-y répondra : « Flûte ! »Su’ la Butte.13À Montmartre on est décidé.Chacun, dans son cœur, a gardéLe souvenir de la dernièr’ lutteSu’ la Butte !
21 janvier 1887