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La Cellule

Clarenson, Jules


Texte Jules Clarenson (1905).


Ce n’est pas assez
Des prisons ordinaires,
Des portes, des dépôts.
Bagne réclusion.
 
Et l’on édifia
Les maisons cellulaires
Pour compléter l’œuvre
D’abomination.
Cellule isolement,
C’est-à-dire la tombe,
Le lugubre in-pace,
Un cercueil de dix pieds.
Un lourd manteau de plomb
Sur vos épaules tombent,
Un long voile de deuil
Vous couvre tout entier.
 
De quels cerveau féroces
Affolés par la rage,
De quels esprits sadiques,
Affreux dénoncés,
Naquit l’intention
Terrible de la cage,
Où l’homme enferme l’homme
Et le tient emmuré ?
 
Lorsqu’on franchit le seuil
De la cellule infâme
Là, vous n’existez pas,
De l’homme il n’est plus rien
Vous êtes morts-vivants,
Vous êtes corps sans âme,
Aucune impression,
Aucun bruit, aucun lien
Ne vous joie aux humains.
S’il reste la pensée,
Le cuisant souvenir
Qui, du matin au soir,
Trouble votre cervelle
Aux tortures insensées,
Peuple votre sommeil
D’effrayants songes noirs.
 
La mémoire qui s’efface
Et la raison qui sombre
Vous suggèrent parfois
Des idées de mourir,
Mais votre volonté
S’en va, s’éteint dans l’ombre
Et l’on n’a même plus
La force d’en finir.
Le Vieux Dante avait cru
Dans son enfer terrible
Mettre avec les anciens
Les supplices nouveaux ;
Il avait oublié
De tous le plus horrible :
L’atroce isolement,
Les cellules tombeaux.

Paru dans Germinal (Amiens), n° 14 (23 avr.-7 mai 1905).

Record : Travailleurs de la nuit. Chansons pour Alexandre Jacob