À mon ami Adolphe Willette.
« Il n’en reste pas moins établi qu’à la fin du XIXIe siècle, les femmes ne peuvent tranquillement rentrer chez elles sans s’exposer à être empoignées par les immondes personnages que M. Lépine appelle l’élite des honnêtes gens ! »
Attentat des agents des mœurs contre Mme Julienne Legault,
L’HOMMESois indugente, maman-Terre,Pour ton enfant qui va mourir.Dans ton sein, ô nourrice austère !Laisse-moi m’étendre et pourrir.Tu le sais, grande mère honnête,Je fus parmi les scélérats :J’étais voleur et proxénète,LA TERREViens, mon enfant, viens dans mes bras.L’HOMMEJ’ai fait tous les métiers infâmes,De la Honte traînant le char ;J’ai vécu de l’argent des femmes,Je fus espion, puis mouchard.Malgré ça, Terre bienfaisante,Terre des blés et des lilas,0 Mère ! à toi je me présente.LA TERREViens, mon enfant, viens dans mes bras.L’HOMMENoir rebut du monde et des hommes,Vil entre les putréfiés,J’ai vendu, pour de fortes sommes,Des secrets à moi confiés :J’ai défloré des enfants roses ;Mon pays m’appelle Judas.Pardon, pardon, Terre des roses !LA TERREViens, mon enfant, viens dans mes bras.L’HOMMETu le sais, ô Terre splendide !Le monstre effrayant que je fus :L’inceste, avec le parricide,Habitaient mon cerveau confus.Et cependant, Terre si douce,Je viens, quoique tombé bien bas,Demander un lit, sous ta mousse.LA TERREViens, mon enfant, viens dans mes bras !L’HOMMEÔ Terre, où la brebis vient paitre !Personne, dans le genre humain,Ni le meurtrier, ni le traîtreNe voudraient me toucher la main.La blanche étoile, dans l’espace,A honte d’éclairer mes pas :Je fus agens des moeurs !… fais grâce !…LA TERRECrève, ordure !... Loin de mes bras !...
25 juin 1887.