« Un soldat du 35e d’Artillerie à Vannes, François Thépaut, fut blessé à la jambe par une ruade de cheval. Soigné à l’hôpital, il demeure infirme et doit se servir de béquilles pour marcher. Avant hier un ordre du Ministère ordonne de renvoyer Thépaut dans sa famille et lui alloue la somme dérisoire de 200 francs à titre d’indemnité. Thépaut refuse et pleurant à chaudes larmes, dit “qu’il ne partirait pas”. On parvint à le déshabiller et à le revêtir d’effets usagés ; puis quatre hommes, commandés par un maréchal des logis, l’expulsèrent du quartier et le remirent entre les mains de gendarmes qui l’attendaient à la grille et le conduisirent à ta gare ! »
Paris - Journal.
J’étais un gaillard bien bâtiEt l’Major ne trouvant pas d’vicesDans l’fonctionn’ment d’mes abattis,M’a dit : « t’es bon pour le service !Un bougre comm’ toi, mon fiston,Ça doit servir dans l’artill’rie ! »— Merci m’sieu l’Major !… Et chantonsLes louanges de la Patrie !Là-bas on m’fourre un canassonQu’avait l’cul comme un’ petit’ folle ;Un jour, i’ m’colle un coup d’chaussonVlan, au travers des deux guibolles :À l’hôpital, portez-moi doncComme un paquet de chair meurtrie…Et chantons, les copains, chantonsLes louanges de la Patrie !Maint’nant, c’gâs, dont l’Major avaitPalpé les abattis solides,O régiment, qu’en as-tu fait ?— « Je ne suis plus qu’un invalide ! —En m’en nant au cantonQue r’trouv’ra ma pays’ chérie »— Un pauvr’ béquillard ! — Et chantonsLes louanges de la Patrie !De quoi ? Tu t’mets à rouspéterTu chial’s et tu fais des grimaces,Tu t’obstin’s espèc’ de moch’té,À n’pas vouloir vider la place ?Allons ! à la porte illico,Qu’on l’empoign’… sans cérémonieEt chantons ! — Ah ! les saligauds ! —Les louanges de la Patrie !Chez nous les gens viv’nt en piochant,Du mois d’janvier au mois d’décembre :Pour arracher son pain d’son champOn a pas trop de tous ses membres !J’peux plus poser mes ripatons :Comment fair’ pour gagner ma vie ?— Tiens, voilà deux sous ! — Et chantonsLes louanges de la Patrie !C’est pour ça que vous me trouvez,Clochetant et portant besace,Sur le chemin que vous suivezEntendez-vous conscrits d’la classe ?À présent que j’vous ai contéL’histoir’ de mes patt’s démolies,J’pens’ que vous allez tous chanterLes louanges de la Patrie !