1À quatorze ans, quand d’l’épicerie,J’mis à mon cou l’blanc tablier,Je n’croyais pas, j’vous l’certifie,Que c’était un pareil métier.Non seul’ment les salair’s sont maigres,Mais tout’ la journée, les patronsNous font travailler comm’ des nègresC’qui fait qu’maintenant tout’s leurs maisons(Refrain)Ce sont des boit’s où l’on s’éreinteL’on s’éreinte (bis)Quinze heur’s par jour mêm’ plus longtemps,Sans arrêter un seul instant.On trime, on s’use et l’on s’esquinteCe sont des boit’s où l’on s’éreinte.2On nous donn’ de la nourritureUn chien n’voudra’t pas y toucher.Les fonds d’tiroir, la pourriture.Voilà c’qu’on nous flanque à bouffer.Quant à ce qui nous sert de chambre,Outre l’manque d’air et la sal’té,C’est l’Pôl’ Nord au mois de décembreEt l’Sénégal en plein été.(refrain)Ce sont des boit’s où l’on s’éreinteL’on s’éreinte (bis)On est ma nourri, mal couché,Mais il faut quand même marcherOn trime, on s’use et l’on s’esquinteCe sont des boit’s où l’on s’éreinte.3Parmi les épic’ries nouvellesOn rencontr’ beaucoup d’grand’s maisons.Ce sont celles dites « modèles »De vrais bagnes, de vraies prisons ;Tout’ la journée, c’est l’dépotage.Les équipes et les tuilots,Puis pour activer l’surmenageUn tas d’chefs tout l’temps sur le dos.(refrain)Ce sont des boit’s où l’on s’éreinteL’on s’éreinte (bis)Quand les magasins sont fermés,Le soir il faut encor veiller,On trime, on s’use et l’on s’esquinteCe sont des boit’s où l’on s’éreinte.4Dans l’espoir d’être plus tranquilles,Quand l’âge vient d’être patron,Ceux qui possèd’ent quequ’s billets de milleAchètent bien vite un’ maison.Mais la concurrence est si grande,Que souvent, au lieu d’réussir,Le plus grand nombre se demande :Par quels subterfug’s se maint’nir ?(refrain)Ce sont des boit’s où l’on s’éreinteL’on s’éreinte (bis)Comme on fait à peine ses frais,On se fait plus d’bil’ que jamais.On trime, on s’use et l’on s’esquinteCe sont des boit’s où l’on s’éreinte.5Petit à petit, le temps passeLes ans se suiv’ent sans rien changer.Puis un beau jour, la corde casse.C’est l’instant de décaniller.Sans regrets on quitte la vie.Des pleurs, de la terr’, puis, ça y est !C’est la dernière boite, mais…(refrain)C’est la seul’ boite où l’on se r’pose,L’on se r’pose (bis)Tout le temps qu’ l’on a vécu.On a trimé tant qu’on a puEt c’est seul’ment qu’l’on fait la pauseC’est la seul’ boite où l’on se r’pose.
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Les Boites
Doublier, Maurice
Texte de Maurice Doublier (ca 1898). Air : « Ce sont des maisons où l’on passe… » (≤1898) tiré de Les Salons parisiens, musique de D.A. [Henri ?] Dérouville (1858-1919) et de Joël Tiska (pseud. de Jules Walter, 18..-1924) ?.
Paru aussi in : la série « Chansons coopératives de Maurice Doublier » vers 1898 puis plus tard en petit format.
Paru aussi in : Brécy, Robert. — Autour de La Muse rouge : groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires, 1901-1939. — Saint-Cyr-sur-Loire : Christian Pirot, 1991. — 254 p. (p. 24).