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Mon pauvre Antoine

Clément, Jean Baptiste


Texte de Jean Baptiste Clément (≤1902).


1
Debout à la pointe du jour,
Pendant douze mois de l’année,
Il bûche comme un sourd
Pour le pain de la maisonnée…
les autres, pendant ce temps-là,
Font leur somme à pleine paupière,
Et quand ils mettent pied à terre,
Le Pauvre Antoine est las déjà.
 
Ah ! que t’es couenne,
Mon pauvre Antoine !
 
2
Il déjeune, en un tour de main,
D’un mauvais verre de piquette
Et d’un morceau de pain,
Parfumé d’ail ou ce civette…
Les autres, devant un chapon,
Du vieux bordeaux ou du bourgogne,
Qui rougit auprès de leur trogne,
Sont attablés jusqu’au menton.
 
Ah ! que t’es couenne,
Mon pauvre Antoine !
 
3
Il habite un mauvais taudis
Où sa maisonnée enfouie
Comme un tas de souris
Se dispute l’air et la vie…
Les autres ont trent’-six maisons,
À trent’-six places différentes,
Beaucoup d’air, du soleil, des rentes,
Et des fleurs en toute saisons.
 
Ah ! que t’es couenne,
Mon pauvre Antoine !
 
4
Il se croit fait pour la douleur,
Pour le travail, pour la besace,
Las d’être au monde, il meurt,
Et ses enfants prennent sa place…
Les autre meurent gras à lard,
Laissant de quoi rouler voiture
À leur digne progéniture,
Qui se croit d’une pâte à part.
 
Ah ! que t’es couenne,
Mon pauvre Antoine !

Paru aussi in : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 90-91).