1Hier pendant que les heureuxÉtaient dos au feu, ventre à table,Sur la route, des ventres creuxDéfilaient d’un air lamentable.Ce groupe terrible passait,Des pleurs de sang sous la paupière,Et chacun disait : « Voyez c’estLe Régiment de la Misère ! »2Ce régiment dont les soldatsOnt des haillons pour uniformeEt vont sans souliers et sans bas,De tous les sans-travail se forme.Quelquefois, las des coups du sort,Il dresse sa sombre bannièreEn clamant : « Du pain ou la mort ! »Le Régiment de la Misère.3Ceux qu’on voit marcher dans les rangsOnt tous le visage livide ;Ce sont des gueux et des souffrants,Décharnés et l’estomac vide,Devant leur profond désespoir,Le cœur péniblement se serre.Il attriste et fait peine à voir,Le Régiment de la Misère.4Il s’est levé souvent jadis,Armé de fourches et de piques,Et, bravant canons et fusils,A livré des combats épiques…Holaà ! vous tous, les gorgés d’or,Craignez son ardente colère :Il peut se révolter encor,Le Régiment de la Misère.
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Le Régiment de la misère
Gueux, Jacques
Texte de Jacques Gueux (≤1902).
Paru aussi in : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 88).