À P. Roger.
« Le Socialisme et l’Anarchie n’ont jamais produit que des fous misérables. »
Instruction civique et morale. Écoles primaires, 1900.
Nous sommes des fous parce qu’un beau rêve,Conçu par nos cœurs et par nos cerveauxNous fait pressentir que la nuit s’achève,Faisant place à l’aube des temps nouveaux.Nous sommes des fous parce qu’à l’enfanceAux pauvres bambins qui vont grandissant,Nous allons chanter la bonne espéranceEn des vers qui vont les émerveillant.Nous sommes des fous ; aux jours de batailles,Aux cris des mourants parmi les sillons,Nous, nous préférons le temps des semailles,Le chant des cigales et des grillons.Nous sommes des fous ; à ceux de la plèbe,Forçats enchaînés au pires destins,Nous donnons l’espoir qu’un jour sur la glèbe,Ils auront leur part des larges festins.Nous sommes des fous ; nos âmes sont pleinesD’amour, de respect, pour qui sait charmer,Nous sommes des fous ; nous nommons nos reines,Celles qui par nous, se laissent aimer.Nous sommes des fous ; notre but chimère.Mais claire à nos yeux comme un pur cristal,L’idée enfantant notre phalanstèreA fait de ce but un grand idéal.Et cet idéal loin des sanctuaires,Hors toutes les nuits, en pleine clarté,Attirant à lui tous les libertaires,Mène ces grands fous vers la Vérité.Et fixant le but, narguant les calvairesDécimant parfois le noble troupeau,Nous les fous aux rêves humanitaires,Nous allons vers lui parce qu’il est beau.