1J’ai eu mes rêves de jeunesse,Mais tous ces rêv’ i m’ont plaqué.C’est comm’ qui dirait un’ grossesseQu’accouch’rait d’un vent compliqué.2Avoir un p’tit foyer rupin,Des marmots roses, du turbin,Un’ femme, un amour, un peu d’joie…Pauvres rêves, mon cœur s’en noie !3Va te faire fout’ v’là le chômage,V’là le salair’ maigr’ comme moiEt v’là les dett’ au bout du mois,Et point d’étoil’ comme les mages !4La femm’ touss’, elle a trop souci.Et les deux bouts qui qui les noue ?Les goss’ n’ont rien d’rose à la joue :Comme la vie, pas rose aussi.5Les fidèles qu’on a cheu nous,C’est la chlorose, l’anémie,Et la mort viendra tout au boutComme une chère et douce amie.6L’patron, lui, n’désir’ pas la mort.Ça s’comprend vu son existence.Nous on est heureux quand on dortDans l’creux final de l’oubliance.7Viv’ la mort ! On dit qu’elle innove.Console-toi, mon pauvre vieux,On dit qui sont heureux les pauvres,Qui z’auront l’royaume des cieux !8Qu’est qu’ce royaume ? Est-ce enco rien ?On est déjà rois su la terrePisqu’on est l’peuple souverain.Est-c’ là-haut la même chimère ?9Si c’est kif-kif, ah ! zut, alors.Que devenir ? Assez de vivre !Mais si ça trompe aussi la mort ?N’aurait donc rien qui nous délivre ?10Que devenir ?… Faut ici-basChercher alorss nos parts de joieEt taper, taper dans le tasDe ceux qui nous cachent la voie.11Faut s’fâcher, quoi ? se révolter,Et flanquer du pied au derrièreDes ventrus, des bouff’tout, des frèresD’l’exploiteuse fraternité…
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Voix dans la rue [2]
Père Ausabois, le
Texte du Père Ausabois [pseud.] (≤1906).
Suite du titre homonyme ?
Paru aussi in La Voix du peuple : journal syndicaliste paraissant tous les samedis (Lausanne, 1906-1914), in 1re année, nº 38 (29 septembre 1908).