1Si le hasard qui m’a fait l’âme fièreVoulait qu’un jour je fusse mendiant,Je n’irais pas le front dans la poussièreMe ravaler devant chaque passant.Je n’irais pas les yeux remplis de larmesEn plein soleil implorer un humain,Mais chaque nui riant des gendarmesJe mendierais le poignard à la main.2Quand le chômage en un jour de misèreSur le pavé nous jette sans recours,Combien s’en vont oubliant leur colère,Tendre la main ou chanter dans les cours.Perdu dans l’ombre et fuyant dès l’aurore,À votre place, ô lâche meurt-de-faim,Dans les quartiers que le luxe décore,Je mendierais le poignard à la main.3Combien de fois promenant ma tristesse,J’ai fait s’enfuir d’un regard irritéDe ces truands à l’ignoble bassesseQui sur ma route outrageaient ma fierté.Attiré au loin le pauvre assez infâmePour demander partout sur son chemin.Si j’étais gueux, bien haut je le proclameJe mendierais le poignard à la main.4Déshérités, vous tous que l’on méprise,Et que partout l’on traque avec fureur,Écoutez-moi, la colère me grise.Je veux parler et vous ouvrir mon cœur.Nous avons droit tous autant que nous sommes,Au pain du jour, au pain du lendemain,Eh bien debout ! si vous êtes des hommes,Nous ne l’aurons que le poignard à la main.
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Ce que je ferais
anonyme
Texte anonyme (≤1894).
Paru aussi in : Le Plébéien (1894-1895), nº 2 (15 avril 1894).
Paru aussi in : La Débâcle sociale. — Ensival (Verviers, 1896-1896), n° 1 (4-18 janv. 1896) avec la signature Le Plébéien.