1Blanches dents, yeux provoquants,C’était une gente brune,Ayant pour toute fortuneL’éclat de ses vingt printemps.Quand elle allait à l’ouvrage,Vite elle pressait le pas,Car plus d’un galant tout basLui parlait de mariage.2Son cher papa, sa maman,Étaient des gens très austères,De plus très autoritaires.Personnages de roman.De ce ménage ouvrier,Elle était la fille unique.On voulait lu marierAvec un vieil asthmatique,3Gras à lard, tôle de veau,Un vrai portrait de godiche,Qu’importe, il était fort riche,Et possédait un château ;Quel honneur pour la famille !…Dit la mère du trottin,J’aurai une robe en satinPour la noce de ma fille.4Or, la ravissante enfant,Au cou blanc comme l’albâtre,Avait surpris son cœur battreL’amour était triomphant !…Celui qu’aimait la mignonne,Était un blond aux yeux pers,Qu’aurait donné l’universPour sa gentille personne.5Que de serments, de baisers,Pris et rendus sans contrainte.Quelle communion sainteDe désirs apaisés.Hélas ! un soir qu’en extase,Leurs doux cœurs s’étaient compris,Son papa les ayant prisBrusquement trancha la phrase.6Le père tança l’intrus,La mère lut plus cruelle,Disant à sa demoiselleQuelle ne sortirait plus.Et convoitant l’héritagePour en faire leur profit,De ce fait elle écrivitAu vieux pour le mariage.7C’est justement alarmé,De ne plus voir sa jolie— Donneur et mélancolie, —Que se lamentait l’aimé ;D’autre part la toute belleAvouait à ses parentsQu’elle aimait ; les deux tyransNommaient cela ; « Bagatelle ».8Marions-la vivementCrainte du libertinage,Mais l’amante ouvrant sa cageS’en fut trouver son amant,Et narguant l’hypocrisie,Alors ces beaux amoureux,Loin des parents rigoureux,Firent à leur fantaisie.9C’est sans maire et sans adjointSans invités, sans carrosses,Que se fit leur nuit de noces ;L’amour fut leur seul témoin.Bravant la foule imbécile,Dont les goûts sont poivre et sel,Dans une chambre d’hôtelSe termina leur idylle.10Ô Moralistes aux abois,Qui du cœur niez les peines,Vous accumulez les hainesPar vos principes sournois :À tous ceux dont le cœur vibreAu chaud contact d’un baiser,Nous disons de se griserD’amour dans l’union libre.
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Le Mariage
Bernard, Georges
Texte de Georges Bernard (≤1902).
Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 8e année, nº 22 (6-13 avril 1902).