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Les Thuriféraires

Privas, Xavier


Texte et musique de Xavier Privas (≤1897).


1
Hé là-bas ! les limeurs de rimes,
Les travailleurs des arts, les fous,
Les fondeurs de pensers sublimes
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Au sanctuaire
Où la Chimère
Est ostensoir.
 
2
Hé là-bas ! les rêveurs pudiques,
Les amoureux transis, les doux
Chercheurs de plaisirs platoniques
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Dans la chapelle
Où cœur fidèle
Est ostensoir.
 
3
Hé là-bas ! les amants lubriques
Et les coureurs de guilledous,
Les sensuels, les impudiques,
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Sans retenue
Vers la chair nue
Pour ostensoir.
 
4
Hé là-bas ! les clowns et paillasses,
Les charlatans et les filous,
Et tous les pitres à deux faces,
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Dans une église
Où la bêtise
Est ostensoir.
 
5
Hé là-bas ! les chefs de ripailles,
Les noceurs assoiffés et tous
Les gais défonceurs de futailles
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Devant la vieille
Dive bouteille
Pour ostensoir.
 
6
Hé là-bas ! les êtres à vendre
Et les joueurs et les grigous
Et tous les usuriers à pendre,
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Dans un asile
Où l’or en pile
Est ostensoir.
 
7
Hé là-bas ! les gens de bataille
Des lauriers des héros jaloux,
Frappeurs d’estoc, frappeurs de taille,
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Dans l’oratoire
Où toute gloire
Est ostensoir.
 
8
Hé là-bas les gueux sans asile,
Crève-faim sans mailles ni sous,
Et tous les Robinsons sans île,
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les thuriféraires
En prières,
Lançant à genoux l’encensoir
Sans paix ni trêve
Vers la Mort brève
Pour ostensoir.

Dans Le Libertaire du 9-16 septembre 1906 :
« Un ami nous communique deux couplets « entièrement nouveaux et inédits » que le prince des chansonniers, Xavier Privas vient d’ajouter, depuis peu, à sa chanson la plus connue et la plus parfaite : Les Thuriféraires.
À la vérité, ces couplets nous ont paru suspects. D’ordinaire, le prince travaille mieux. N’importe ! nous les donnons pour ce qu’ils valent : »

9 ?
Hé là-bas ! les gens de la Butte,
Acrobates, pantins, marlous,
Faiseurs de vers et de culbutes,
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes des bougres cyniques
Faméliques,
Dictateurs dus lieux incertains
Où l’on courtise !
Dame Bêtise
Soir et Matin.
 
10 ?
Hé là-bas ! ceux qu’on récompense
Ramasseurs de croix et de sous ;
Tous ceux dont on fleurit la panse
Qu’êtes-vous ? —
Nous sommes les légionnaires
En prière
Lançant les rimes aux abois.
Vers Aristide, [Aristide Briand]
Aux plus avides,
Jetant des croix !

« Nous craignons fort que ces deux nouveaux couplets n’ajoutent rien à la gloire du prince. Heureusement quelle elle peut s’en passer, maintenant quelle est officiellement consacrée !… »


Paru chez Joubert (Paris).

Puis, publié dans : Privas, Xavier. — Chansons chimériques. — Paris : Ollendorf, 1897.
Voir aussi la 5e édition (p. 11-17 de le 5e éd.)

Paru aussi — pour les deux couplets [apocryphes ?] supplémentaires — dans : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 12e année, nº 45 (9-16 septembre 1906).