1Hé là-bas ! les limeurs de rimes,Les travailleurs des arts, les fous,Les fondeurs de pensers sublimesQu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirAu sanctuaireOù la ChimèreEst ostensoir.2Hé là-bas ! les rêveurs pudiques,Les amoureux transis, les douxChercheurs de plaisirs platoniquesQu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirDans la chapelleOù cœur fidèleEst ostensoir.3Hé là-bas ! les amants lubriquesEt les coureurs de guilledous,Les sensuels, les impudiques,Qu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirSans retenueVers la chair nuePour ostensoir.4Hé là-bas ! les clowns et paillasses,Les charlatans et les filous,Et tous les pitres à deux faces,Qu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirDans une égliseOù la bêtiseEst ostensoir.5Hé là-bas ! les chefs de ripailles,Les noceurs assoiffés et tousLes gais défonceurs de futaillesQu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirDevant la vieilleDive bouteillePour ostensoir.6Hé là-bas ! les êtres à vendreEt les joueurs et les grigousEt tous les usuriers à pendre,Qu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirDans un asileOù l’or en pileEst ostensoir.7Hé là-bas ! les gens de batailleDes lauriers des héros jaloux,Frappeurs d’estoc, frappeurs de taille,Qu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirDans l’oratoireOù toute gloireEst ostensoir.8Hé là-bas les gueux sans asile,Crève-faim sans mailles ni sous,Et tous les Robinsons sans île,Qu’êtes-vous ? —Nous sommes les thuriférairesEn prières,Lançant à genoux l’encensoirSans paix ni trêveVers la Mort brèvePour ostensoir.
Dans Le Libertaire du 9-16 septembre 1906 :
« Un ami nous communique deux couplets « entièrement nouveaux et inédits » que le prince des chansonniers, Xavier Privas vient d’ajouter, depuis peu, à sa chanson la plus connue et la plus parfaite : Les Thuriféraires.
À la vérité, ces couplets nous ont paru suspects. D’ordinaire, le prince travaille mieux. N’importe ! nous les donnons pour ce qu’ils valent : »
9 ?Hé là-bas ! les gens de la Butte,Acrobates, pantins, marlous,Faiseurs de vers et de culbutes,Qu’êtes-vous ? —Nous sommes des bougres cyniquesFaméliques,Dictateurs dus lieux incertainsOù l’on courtise !Dame BêtiseSoir et Matin.10 ?Hé là-bas ! ceux qu’on récompenseRamasseurs de croix et de sous ;Tous ceux dont on fleurit la panseQu’êtes-vous ? —Nous sommes les légionnairesEn prièreLançant les rimes aux abois.Vers Aristide, [Aristide Briand]Aux plus avides,Jetant des croix !
« Nous craignons fort que ces deux nouveaux couplets n’ajoutent rien à la gloire du prince. Heureusement quelle elle peut s’en passer, maintenant quelle est officiellement consacrée !… »