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Au pied du mur

Gall’, Tony


Texte de Tony Gall’ (≤1912).


Nous qu’on exploite et qu’on abaisse
Saurons-nous rompre notre laisse i

1
Ohé ! vous tous les mécontents,
Sont-ils encore bien loin les temps
Où, fatigué des sottes plaintes,
Des gestes non suivis d’effet,
Nous saurons mettre à bas, sans craintes,
Ce monde égoïste et mut fuit ?
Hélas ! si la Révolte gronde,
Si l’Émeute éclate parfois,
Notre colère est inféconde,
Nous faisons le jeu des bourgeois.
 
2
Tour à tour on forme entre nous :
Clans merveilleux ou projets fous
Croyant changer l’ordre des choses,
Mais depuis les Jacques lointains,
— Résultats dus aux mêmes causes —
Nos efforts sont demeurés vains ;
On s’invective, ou se chicane,
On en vient aux : confis, trop de fois,
Vais au-moment d’agir on cane,
Comblant les vœux du clan bourgeois.
 
3
Pourquoi rêver d’actes hardis
Quand le chômage eu nos taudis
Accroît l’horreur, met la famine ;
Si, trop peu pressés d’en finir
Avec l’argent qui prédomine,
Nous refusons de nous unir !
À quoi bon rallumer les luttes
Des vaillants Bagaudes gaulois,
Puisque nos haines, nos disputes,
Font toujours le lit des bourgeois ?
 
4
Vaincus et dupés jusqu’ici
Va-t-il toujours en être ainsi ;
Resterons-nous l’humble canaille,
Le stupide et lâche troupeau
Qui, pour autrui, peine, travaille
Et se voit tondre ras la peau !
Dédaignant le seul vrai remède,
Voudrons-nous, tels ceux d’autrefois,
Périr du mal qui nous excède
Et raffermir l’État bourgeois ?
 
5
C’est assez, c’est trop nous courber,
Sous le bât osons regimber :
Voilà trente siècles qu’on tremble !
Haut les cœurs ! Cessons de gémir,
Nous devons tous avec ensemble
Nous affirmer puis réagir.
Amis, il faut enfin qu’on scelle
L’accord ébauché tant de fois :
Fondons la Cité fraternelle
Et brisons les cadres bourgeois !

Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 18e année, nº 24 (6 avril 1912), et nº 38 (20 juillet 1912).