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L’Âne rouge

Galilée, Charles


Texte de Charles Galilée (1901). Sur l’air : « Le Moulin rouge » (1896) musique par Marcel Legay (1851-1915) pour une texte de Maurice Boukay.


À Lord Kitchener et à W’aldersee en particulier et à d’autres en général.

1
Sur les coteaux, dans les vallons,
D’un bout à l’autre de la terre,
Dans les souffles des aquilons,
On entend l’âne rouge braire…
Dis-nous pour qui lu brais ainsi,
Àne, quelle est la raison d’être ?
Et pourquoi lu troubles ici
Les charmes du calme champêtre ?
 
(refrain
L’âne rouge, l’âne rouge,
Pour qui brais-tu, l’âne rouge !
Pour la Gloire ou pour la mort,
Pour qui brais-tu sous le mors ? —
 
2
Dis-nous pour qui, les soirs venus,
Tu brais parmi la populace ?
Pourquoi ta chimère aux seins nus
S’offre à tous les gueux sur la place ?
Serais-ce pour venger l’amour
De l’ignominie et du crime !
Ou pour annoncer le grand jour
Commençant une ère sublime ?
 
refrain
 
3
Brais-tu par ordre du destin
Qui veut que la honte s’amasse ?
Brais-tu pour quelque affreux pantin,
Noir polichinelle ou paillasse !
Ou brais-tu pour tous les bandits,
Les voleurs et les incendiaires !
Pour tous ceux-là qui sont maudits
Par les veuves et par les mères… ? —
 
refrain
 
4
— Allons lu brais pour la douleur,
Pour l’orgueil ou pour la folie ;
Tu jettes ton cri de malheur
Alors que la haine s’oublie…
À la honte du matador,
Tu brais pour l’hydre qui rougeoie
Les prés verts et les épis d’or…
Et tu brais pour les fausses joies !
 
refrain
 
5
Tu brais pour aiguiser la faim
Des malheureux, que tu convies
À s’entretuer aux confins
Des routes encore asservies… !
Tu brais pour l’orgie et la nuit.
Leurrant sinistrement la foule.
Heureux lorsque l’amour s’enfuit
Et que la vérité s’écroule !…
 
(refrain final)
L’âne rouge, l’âne rouge,
Allons tu brais, âne rouge !
Pour l’horreur et pour la mort !
— Quand brairas-tu de remords ?

Paris, le 11 janvier 1901


Paru aussi in : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 77 (10-17 aout 1901).