À Lord Kitchener et à W’aldersee en particulier et à d’autres en général.
1Sur les coteaux, dans les vallons,D’un bout à l’autre de la terre,Dans les souffles des aquilons,On entend l’âne rouge braire…Dis-nous pour qui lu brais ainsi,Àne, quelle est la raison d’être ?Et pourquoi lu troubles iciLes charmes du calme champêtre ?(refrainL’âne rouge, l’âne rouge,Pour qui brais-tu, l’âne rouge !Pour la Gloire ou pour la mort,Pour qui brais-tu sous le mors ? —2Dis-nous pour qui, les soirs venus,Tu brais parmi la populace ?Pourquoi ta chimère aux seins nusS’offre à tous les gueux sur la place ?Serais-ce pour venger l’amourDe l’ignominie et du crime !Ou pour annoncer le grand jourCommençant une ère sublime ?refrain3Brais-tu par ordre du destinQui veut que la honte s’amasse ?Brais-tu pour quelque affreux pantin,Noir polichinelle ou paillasse !Ou brais-tu pour tous les bandits,Les voleurs et les incendiaires !Pour tous ceux-là qui sont mauditsPar les veuves et par les mères… ? —refrain4— Allons lu brais pour la douleur,Pour l’orgueil ou pour la folie ;Tu jettes ton cri de malheurAlors que la haine s’oublie…À la honte du matador,Tu brais pour l’hydre qui rougeoieLes prés verts et les épis d’or…Et tu brais pour les fausses joies !refrain5Tu brais pour aiguiser la faimDes malheureux, que tu conviesÀ s’entretuer aux confinsDes routes encore asservies… !Tu brais pour l’orgie et la nuit.Leurrant sinistrement la foule.Heureux lorsque l’amour s’enfuitEt que la vérité s’écroule !…(refrain final)L’âne rouge, l’âne rouge,Allons tu brais, âne rouge !Pour l’horreur et pour la mort !— Quand brairas-tu de remords ?
Paris, le 11 janvier 1901