Retour de Chine

1

Oh ! comme t’es sale ! oh ! comme t’es rouge !

 

Pourquoi prends-tu cet air sournois

On dirait vraiment que t’as honte.

Tu trembles… Vas peur… et je vois

À ton front l’incarnat qui monte.

D’où viens-tu donc et qu’as-tu fait

Pourquoi cette naine maussade ?

Ce visage triste et défait ?

Réponds, réponds donc, camarade !

Tu ne dis rien ; tu n’oses pas ;

Te v’la devenu tout pâle ;

Quel crime as-tu commis là-bas…

 

2

Oh ! comme t’es rouge ! oh ! comme t’es sale !

 

Ah ! je devine maintenant !

Je comprends tout à ton silence.

T’es parti, là-bas, crânement,

Combattr’ pour l’honneur de la France !

Tes mains, tes dur’s mains de prolo,

Tes mains de travailleur honnête,

Ont laissé l’outil et le marteau

Pour manier la baïonnette.

Et ta blouse de malheureux

Tu l’as jeté sans que ton cœur bouge

Pour prendre l’uniforme hideux…

 

3

Mais comme t’es sale ! mais comm’ t’es rouge !

Douc, t’as tué. pillé, volé…

Pour le Drapeau ! pour la Patrie !

Et pas une voix n’a parlé

Dans ta conscience meurtrie ?

Pas un instant, tu n’as pensé

Aux victimes, à leur souffrance ?

Tu t’plais donc dans l’sang versé ?

T’as raison, va… c’est pour la France,

L’Honneur, la Religion !…

Fais donc ta rentrée triomphale !

T’as bien mérité d’la nation.

 

4

Oh ! comm’ t’es rouge ! oh ! comm’ t’es sale !

Te v’la grand homm’, te v’la héros !

Qu’on apprêt’ l’ruban tricolore ;

T’as ben sû le gagner, bourreau !

Vite, vite, qu’on te décore !

Mais que viens-tu fair’ parmi nous ?

Ta plac’ n’est pas ici. canaille !

Nous prenais-tu donc pour des fous ?

Va-t’en retrouver la val’taille !

Assassin, égorgeur, boucher !

Tes copains t’attend’nt dans leur bouge ;

Fuis, bandit, va-t’en les r’trouver.

 

Oh ! comme t’es sale ! oh ! comme t’es rouge !