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Chauds les marrons !

Bercy, Léon de


Texte de Léon de Bercy (≤1900). Musique par Jean Cerneuil.


1
Chauds, les marrons, chauds !… Avant que se teigne
En roux la verte frondaison,
Voici que déjà la blonde châtaigne
Vient annoncer l’âpre saison.
C’est le temps renfrogné des brumes
Où les aquilons déchaînés
Mettent, pour le concert des rhumes,
Des tuyaux d’orgue dans le nez.
 
2
Chauds, les marrons, chauds !… tandis qu’en l’échoppe
Le marchand a le dos tourné
Gavroche, qui passe en pénard, lui choppe
De quoi remplacer son dîné.
Bien qu’au thermomètre maussade
Ça marque au-dessus de zéro,
Il court tracer une glissade
Où se rôtir au brasero.
 
3
Chauds, les marrons, chauds !… La vieille radeuse
Dont l’appel sonne comme un glas
Et qui bat son quart tristement hideuse
Par la gelée et le verglas,
La pauvre catin aux mains gourdes,
Sous l’œil menaçant du merlu,
Guette les soûlauds et les gourdes
Qui viennent dans le brouillard flou.
 
4
Chauds, les marrons, chauds !… C’est la dure bise ;
La rue est poudrée à frimas.
Et, sur l’horizon à la teinte bise,
Se dressent d’étranges schémas :
C’est la légion miséreuse
Qui va, muette en ses haillons,
Et qui chaque jour plus nombreuse,
Organise ses bataillons.
 
5
Chauds, les marrons, chauds !… Lorsque viendra l’heur
Où tout ce monde comprendra
Qu’on se fout de lui quand il prie et pleure
Pour son triomphe il s’unira.
La chose alors sera bâclée
En cinq sec. Malheur aux manchots !
Car dans la suprême raclée
Ils pleuvant chauds, les marrons chauds !

Chanson « Chauds, les marrons ! » de Léon de Bercy ; musique de Jean Cerneuil
In Le Libertaire, 3e série, nº 45 (7-14 octobre 1900).

Paru aussi in : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 45 (7-14 octobre 1900). Le numéro suivant du Libertaire signale «  Erratum — La fantaisie d’un typo a fait dire à l’ami de Bercy dans “Chauds, les marrons !” “peinard” au lieu de “pénard” : nos camarades qui connaissent la signification exacte des deux expression s ne s’y seront point trompés, mais nous aimons, en matière de rédaction que chaque chose soit à sa place. »