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Rires ironiques

Bercy, Léon de


Texte de Léon de Bercy (≤1900). Musique par Jean Cerneuil.


1
Puisqu’il : semble écrit que parmi les hommes
Il en doit toujours être de maudits,
Que contre les gueux — les gueux que nous sommes —
Le sort a rendu d’éternels édits :
Puisqu’il n’est pour nous que peines amères
Que nous acceptons sans risquer un cri,
Rions du réel, rions aux chimères,
De peur de mourir avant d’avoir ri !
 
2
Puisque constamment devant la puissance
— Que le grand pourtant n’acquiert que de nous —
Humbles par calcul ou serfs par essence,
On nous voit encore fléchir les genoux ;
Puisque nos aiglons rêvent en leurs aires
Dans l’attente encore du Grand Pilori,
Rions des rigueurs, rions aux misères.
De peur de mourir avant d’avoir ri !
 
3
Puisque l’ignorance, encore et sans cesse,
Rend veule notre âme et veules nos corps ;
Puisque nos restons bas en la bassesse.
Inaptes toujours aux féconds accords ;
Puisque se complaît aux pensers funèbres
Notre pauvre cœur de deuils assombri.
Rions du ciel clair, rions aux ténèbres,
De peur de mourir avant d’avoir ri !
 
4
Puisque nous laissons aux mêmes musique
S’endormir l’élan de notre cerveau
Et que le concert des métaphysiques
Engourdit l’essai du Geste nouveau ;
Puisqu’au jour qu’il est, en nos consciences
L’espoir né d’hier est déjà flétri.
Rions du savant, rions aux sciences.
De peur de mourir avant d’avoir ri !
 
5
D’aucuns ont parlé de l’âme immortelle
— Principe qu’un Christ a pris d1 Platon —
Et si l’existence est aujourd’hui telle,
C’est pour que les cieux soient nôtres, dit-on…
Puisque notre vie est tant enviable,
Avant que pour nous le lys ait fleuri.
Rions de leurs dieux et rions au diable,
De peur de mourir avant d’avoir ri !

Chanson « Rires ironiques » de Léon de Bercy ; musique de Jean Cerneuil
In Le Libertaire, 3e série, nº 44 (302 septembre-7 octobre 1900).

Paru aussi in : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 44 (30 septembre-7 octobre 1900).