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La Chanson de l’errant

Rainaldy, Henri


Texte d’Henri Rainaldy (≤1900).


Un soir, fatigué de la vie
Banale, assoiffé de Nouveau
Je partis avecque ma mie.
Nous suivîmes le bord de l’eau.
 
Nous passions les nuits a l’auberge
Dans de grands lits sentant le foin.
Elle avait des pudeurs de vierge
En se dégrafant dans un coin.
 
Ses baisers, serments et caresses
Évoquaient en moi le passé ;
— Mon passé lointain de promesses —
Et j’espérais,… quoique lassé.
 
Je la vois encore à l’auberge
Dormir doucement dans mes bras.
Ses seins durs dont la pointe émerge
Lentement, soulèvent les draps.
 
Un matin, pourtant, à l’aurore,
Malgré mes pleurs elle s’enfuit.
Un autre amour venait d’éclore
Dans son pauvre cœur plein de nuit.
 
Nous passions les nuits à l’auberge
Dans de grands lits sentant, le foin.
Elle partit, longeant la berge.
— Que ce passé me semble loin ! —
 
Tristement je repris ma course,
Heurtant les cailloux du chemin,
Ayant le diable dans ma bourse.
Mais, je ne tendis pas la main.
 
Chaque nuit, auprès des auberges
Je m’endormais dans quelque coin,
Et je rêvais de filles vierges
Que je voyais au loin,… au loin.
 
Je trouve bien longue la route
Au bout de laquelle est mon but.
Demain, j’arriverai sans doute,
Mais à l’état de vieux rebut.
 
Alors, doucement, sur la berge
Où sous un pont j’irai dormir.
Et si le fleuve me submerge
Tant mieux. Il faut bien en finir !

Paru aussi in : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 14 (4-11 février 1900).