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Va… trimardeur

Galilée, Charles


Texte de Charles Galilée (≤1899).


Va… trimardeur…
Prends ta musette ;
 
Le soleil est déjà levé.
Tu ne liras pas la gazette,
Mais, en dormant, tu peux rêver.
As-tu rêvé d’amour ? d’histoire ?
De richesse ou de volupté ?…
Peut-être rêves-tu la gloire.
Où, — démence !… la vérité ?…
Qu’importe, tu rêves ; c’est juste,
— Le rêve à parfois des éclairs. —
Où vas-tu sous le ciel auguste ?
Qu’importe ! Va, chante les airs
De nos montagnes enchantées,
Et respire celui des bois !
Tes haltes ne sont pas comptées :
Tu n’as pas le souci des rois.
Chemine en mangeant ta bouchée
Comme le simple vermisseau :
L’herbe verte n’est pas fauchée
Et l’eau coule dans le ruisseau.
Près des buissons et près des meules
Tu peux t’allonger et sentir
L’odeur du foin — que les bégueules
Conservent comme un élixir
Tu peux penser, tu peux sourire
-- La nature est un livre ouvert.
Tu peux regarder, tu peux lire ;
C’est elle qui met ton couvert
Oui. Va !… n’importe où, sur la terre,
Marche ; au hasard de ses hameaux.
Proclame ta foi libertaire
En t’abritant sous les rameaux
À côté des hontes humaines,
En te cabrant, tu peux passer.
Les filles de ferme sont saines :
Va, sans crainte, les enlacer.
 
Va… trimardeur…
Quand vient l’aurore.
 
Chemine sous le grand ciel bleu.
Loin de Sodome et de Gomorrhe !
Va… le néant est un bon fieu ;
Il pourvoit aux besoins des humbles.
La terre est molle pour les os,
Qui viennent reposer, les simples ;
Et les villes sont des silos !
Va vivre loin de ces fournaises ;
Où coulent des larmes de feu !
Il est au ciel bien des genèses :
Essaie à les comprendre un peu ;
Parle des astres aux grands arbres
Aux paresseux et aux bons bœufs.
Et ris des bronzes et des marbres
Que l’on élève aux songes creux.
 
Trimardeur !… comme les déesses ;
Tu peux te baigner aux ruisseaux
Et l’onde pure a des caresses
De femme, pour les jouvenceaux.
 
Va… trimardeur… Les fleurs se penchent
Quand tu passes sur le chemin
Et les vieux chênes qui s’ébranchent
Semblent te demander ta main !…

Paru aussi dans : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 8 (24-30 décembre 1899).