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La Rouge

Mougin, S.


Texte de S. Mougin (1889).


1
Bois, chante et ris, être ignoble et fossile,
Bourgeois ventru qu’engraissa Jean-le-Gueux ;
Va, ribaude, vieux paillard imbécile
Et satisfais tes besoins crapuleux.
Mais hâte-toi : éventre ta sacoche,
Sème ton or, jouis ! Seigneur brutal.
Voici la Rouge. en grondant elle approche
Et va sonner le glas du Capital.
 
Garde au cœur tes haines farouches
Peuple, qu’affame l’exploiteur.
Voici venir les escarmouches,
Puis le combat libérateur.
 
2
Et toi, bavard, mandataire infidèle,
Député-roi que n’atteint plus Thémis,
Détrousse-nous ! Ton trône qui chancelle
Va s’écrouler sous les feux ennemis,
Abreuve-toi dans les flots du Pactole,
Car tu peux voir demain en tes palais
Sourdre la Rouge, invulnérable idole,
Venant tinter le glas des roitelets.
 
Garde au cœur tes haines farouches
Peuple, pour l’État oppressif :
C’est le moment où les cartouches
Crépitent gaîment dans l’air vif.
 
3
Le peuple enfin prépare la révolte
Qui doit briser les spectres et les rots ;
Il veut, dit-il, l’abondante récolte
Du sol, l’outil, la mine et les grands bois.
La Liberté, c’est l’amante qu’il rêve.
Pour l’obtenir, il t’appelle à grands cris,
Déesse Rouge, au formidable glaive,
Qui vas tonner au vieux monde : péris !
 
Garde au cœur tes haines farouches
Peuple, que rançonnent les lois,
Et supprime les vieilles souches
D’où sortent les voleurs bourgeois !

Paru aussi dans L’Attaque : organe hebdomadaire anarchiste (1888-1890), nº 52 (16-23 novembre 1889).