Au citoyen Auguste Chirac, auteur des Rois de la République.
Un petit-fils du grand Cartouche,Un brave à profil de vautour,Au coin d’un bois, seul et farouche,Las de guetter, se dit un jour :Les bois n’offrant plus de ressource,Ami Cartouche, code en main,Prends ton embuscade à la Bourse,Fais-toi banquier de grand chemin !Ce vol terre à terre m’efflanque,Jetons de plus larges filets :Lorsque l’on peut faire la banque,À quoi servent les pistolets ?Des froids vampires de financeN’ayant pas la perversité,J’étais voleur par répugnance,Assassin par humanité.Mais le flouage qui gouverneJusqu’au Sublime s’est posé ;L’Usure fond de sa caverneTient le siècle dévalisé.La Bourse est le meilleur repaire,On s’y ménage adroitementUn télégraphe pour compère,Pour complice, un gouvernement.Gobseck grandit, Mandrin s’encroûte ;Le grand réseau s’organisant,On volait sur la grande route :On vole la route à présent !J’aurai ma bande d’émissairesDans ma caisse en parts de lions.Le jus de toutes les misèresVa se figer en millions.Sans crier : la bourse ou la vie !En serrant la vis au travail,J’aurai de la foule asservieBourse en gros et vie en détail.À mes bals tout Paris se porte.Un juge y tient de gais propos ;Le préfet pour garder ma porte,Met des gardes municipaux.Mon aïeul crève à la potence ;Mais dans ce siècle, par bonheur,Des hommes de notre importanceS’attachent à la croix d’honneur !Les bois n’offrant plus de ressource,Ami Cartouche, code en main,Prends ton embuscade à la Bourse,Fais-toi banquier de grand chemin !
Paris, 1849.