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La Bouchée de pain

Herbel, Émile


Texte d’Émile Herbel (1889).


II ne faut pas qu’on puisse voir une soule personne mendiant son pain, à Paris, pendant l’Exposition.
(Programme de la Bouchée de pain.)

1
L’Exposition s’apprête,
Les richards de tout pays,
Chez nous viennent faire fête,
(Nous en sommes envahis.)
Ô Peuple ! ta misère affreuse
Aurait pu les épouvanter,
La bourgeoisie accapareuse
Craint de te voir te révolter,
Elle joue à la généreuse.
Peux-tu songer
À t’insurger
Contre une aussi bonne
Personne ?
Pour sauver le garde-manger
On te donne
Un os à ronger.
 
2
La Bourgeoisie, âpre goule,
Buveuse de sang humain,
Prend soudain peur de la foule
Des gueux, des crève-la-faim,
La bonne Dame effarouchée,
Croyant obtenir son pardon,
De ce discours est accouchée :
« Peuple, tu meurs de faim, prends donc
De pain cette maigre bouchée. »
Peux-tu songer
À t’insurger
Contre une aussi bonne
Personne ?
Pour sauver le garde-manger
On te donne
Un os à ronger.
 
3
Ô ! quelle ironie amère !
Le voleur offre au volé
D’atténuer sa misère,
Et l’autre en est consolé !
Mais, peuple crétin ! peuple bête !
Prends donc tout ! car tout est à toi ;
Refuse l’aumône incomplète,
Hardiment, impose ta loi
Et viens prendre part à la fête !
Si ton sang bout,
Allons ! debout !
Brise le vieux monde
Immonde !
Si ta patience est à bout,
À la ronde
Peuple ! prends donc tout !

Exposition : Exposition universelle de 1889, coïncidant avec le centenaire de la Grande révolution.

L’œuvre La Bouchée de pain est une « soupe populaire » fondée en 1884 à Paris.


Paru dans L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 36 (6-13 avril 1889).