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L’Autre Lucas

Michel, Louise


Texte de Louise Michel (≤1888).


Le Breton allait sur les plages,
Au bruit de la mer déferlant ;
Il avait remonté les âges
Vers les aïeux au front fuyant.
L’autre, dans le flot populaire,
Par les houles de la misère,
Suivait le terrible courant.
 
Comme un songe lointain qui passe,
Il regardait des temps meilleurs
Les yeux effarés sur l’espace,
Le corps tordu dans les labeurs.
Affolé par le rêve immense,
Debout sous le soleil intense
Il fut pris de sombres fureurs.
 
Dans leurs tempêtes éternelles
Les peuples, les flots mugissants
Sous les vents qui frappent leurs ailes
Rauquent sur les mêmes brisants
Le sang fermentant sous la terre
L’emplit de la fauve colère
Qui gronde dans les flots vivants.
 
Il sentit monter les vengeances,
Courroux fait de tous les courroux,
Sans nom, sans âge des souffrances
Et frappa dans le noir remous.
Ce sont des frères de misère
Pour les enfants du prolétaire
Ils sont équitables et doux.
 
Les loups, quand la faim les torture,
Ne se dévorent pas entre eux
Les gueux, sans abri ni pâture,
Ne seront pas moins généreux
Ensemble dans la grande Guerre
Tons les révoltés de la terre
Hélas ! sont assez malheureux.

Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 7 (1er-8 aout 1888).