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V’là l’hiver

Frank, J.


Texte de J. Frank (≤1898).


V’là l’hiver : y a foule à l’asile,
C’grand rendez-vous des crèvr’la faim ;
I’ protest’, les sans-domicile,
On n’peut plus dormir sur l’chemin.
Sur l’gazon, plus moyen d’s’étendre.
Ni d’grimper sur les arb’ touffus ;
L’copain qui voudrait l’entreprendre
S’réveill’rait plus.
 
V’là l’hiver : des eaux, d’la campagne
Tout l’grand’ mond’ rapplique à Paris,
C’qu’ï va s’en sabler du champagne
Dans les dîners à vingt-cinq louis !
C’peup’ là n’craint pas les engelures.
Y peut fair’ cent d’grés sous zéro
Ys’ont assez de pal’tots, d’fourrures
Pour leur t’nir chaud.
 
V’là l’hiver : tandis qu’i’ s’amusent
Nous aut’ on meurt de faim et d’froid :
C’est qu’y a pas de poël’ dans nos cambuses
On s’réchauffe en s’soufflant les doigts.
Tous tes thé i t’refus’ du monde,
Preuv’ qu’y en a qu’ont trop d’argent :
Moi, j’ai beau r’tourner ma profonde,
J‘découv’ rien d’dans,
 
V’là l’hiver : à saison d’misére.
Avec terreur nous t’voyons v’nir :
Que d’prolos tu vas mener en terre ;
Quand est-ce donc tout ça va finir,
Penser qu’pendant c’temps d’aut’ rigolent
Sont bien chauffés, ont tout c’qui faut,
Et qu’on les laiss’ s’fich’ de not’ fiole
Sans dire un mot !

Paru aussi — avec le surtitre « Rimes d’un Trimardeur » — dans : Le Libertaire (1895-1899), nº 158 (4-10 décembre 1898).