D’puis trente ans, je train’, jamais tranquille,Mon pauv’ vieux squelette, harasséD’canton en canton, d’ville en villePar les gendarmes pourchassé.Y en a qu’ont des « taudis sordides »Moi, je n’connais en fait de maison,Qu’les murs froids et la paille humideDe la prison.J’sais pas encore qui fut mon père,P’tét’qu’ell’ mêm’ ma mèr’ l’ignora.J’avais douze ans quand au cimetièreUn noir camion l’emporta.On m’mit alors dans une usineMais un jour jouant avec d’aut’ gasJ’m’approchai trop près de la machineQui m’prit un bras.C’est donc depuis c’temps-là que j’erreCar plus personn’ n’a voulu de moi ;Tout le mond’ rigol’ de ma misèreAux p’tits goss’ on me montr’ du doigt.Quand j’ai bien faim et qu’il fait sombreJ’demande aux passants un peu partoutEt parfois, un m’sieur gras dans l’ombreMe jette un sou.Pourtant j’sens la mort qui s’avance :J’pourrais guèr’ longtemps résister,Finies enfin douleurs, souffrances f !Qu’i f’ra bon de n’plus exister !Mais assez, i’faut que j’chemineSans ça les flics viendraient m’enl’ver,J’n’vous laisse mêm’ pas, c’te vermine,En paix crever !
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La Ballade du mendiant
Frank, J.
Texte de J. Frank (≤1898).
Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 156 (20-26 novembre 1898).