Les Mouchards rouges

Charles De Brabander (1877-1938), militant socialiste fonda La Bataille en 1904, conseiller municipal de Roubaix depuis 1912.

La Bataille : journal socialiste hebdomadaire de Roubaix et environs (1909-1914 pour la période concernée).

Paru dans Le Combat (1912-1914), année 1, nº 33 (7 décembre 1912). Chanson liée à une polémique entre Le Combat et La Bataille. Un article du numéro où du Combat où elle parait en donne un aperçu :

Chronique régionale. Roubaix

Dédié à La Guerre sociale
La Bataille fait œuvre de mouchardage
Cette fois, ça y est : nos socialistes ont donné la mesure — et qui n’est pas la première fois — de ce qu’ils sont capables. La rage, parce que nous critiquons leurs actes en regard de leurs théories, les a fait commettre la dernière des ignominies.
Le mouchardage !
Nous disions que ce n’était pas la première fois. En effet. Notre camarade Gilier-Lorion mort au bagne, victime de leur dénonciation, a pu savoir, apprécier les procédés de discussion des guesdistes du Nord. Mais si à cette époque le Travailleur commit cette infamie, il ne le fit que sur Gibier-Lorion seul, un adversaire terrible pour eux. Cette fois c’est pire, — sauf les conséquences — car c’est en grande partie les ouvriers du tissage et de la filature qui sont dénoncées par la Bataille.
Voici du reste cette ordure :
Tricoterie anarchiste
Mme Blanche, directrice de l’ Société l’Aiguille Révolutionnaire préviens les fournisseurs d’apporter leur marchandise le plus tôt possible. Inutile d’enlever les fuseaux.
Quand on saura qu’une de nos camarades s’appelle Blanche et qu’elle tricote à la machine on comprendra leur intention.
Est-ce assez bas, assez ignominieux ?
Ah ! cette fois ils n’auront plus l’excuse — comme ils le disent pour Girier-Lorion — qu’ils se sont trompés ; une personne, que ces quelques lignes pouvaient compromettre, est allé trouver Debrabander, l’administrateur de cette poubelle, et pour explication il répondit : « On nous attaque, nous nous défendons ».
Ainsi, vous les ouvriers, que les patrons ne paient pas assez pour manger à votre faim et qui, lorsque la qualité en vaut la peine et la surveillance pas trop grande, vous vous permettez et risquez de prendre quelques canettes pour vous faire des chaussettes ou des bas pour vos gosses, la Bataille vous dénonce à la police.
Cette feuille de choux vous dira que ce n’est pas vrai, que ce n’est qu’aux anarchistes qu’elle en veut. Sans doute, sa haine infâme, ses procédés de jésuites, n’essaient que de nous nuire ; mais comprenez
que cela peut tomber sur vous.
Supposons que vous eussiez pu prendre quelques canettes de laine et que vous les portiez à une tricotteuse quelconque et que la police avisée eut été perquisitionner. Si la tricotteuse veut être
mise hors de cause elle dira qui lui a apporté les canettes et vous serez coffré, si elle ne veut renseigner la police c’est elle qui sera arrêtée.
Eh bien voilà l’explication de la note de la Bataille. En mettant « inutile d’enlever les fuseaux », c’est dire que ceux qui portent du travail chez Blanche, que c’est de la laine volée. Si la police s’y rendait et trouvait des canettes et qu’elle ne voudrait pas dénoncer les ouvriers qui les avaient portées, elle serait
arrêtée ; si au contraire elle eut dénoncé les personnes, on arrêtait ces dernières et la semaine suivante la Bataille aurait mise dans ses colonnes que Blanche était une casserole et qu’il n’y avait que
cela chez les anarchistes.
C’est crapuleux, c’est découlant, c’est jésuitique,
Ah ! si vous croyez que c’est avec de tels procédés que vous allez nous réduire, vous serez bien trompées, et nous allons voir à qui cela prêtera le plus de préjudice.