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Aux chansonniers

Landragin, Joseph


Texte de Joseph Landragin (≤ 1882).


Réveillez-vous, ô muses populaires !
Comprenez mieux la chanson de nos jours !
Délivrez-vous de ces refrains vulgaires
Qui vont charmer l’écho des carrefours.
Des doigts crochus de la sottise humaine
Vieux luth français qui donc t’arrachera ?
Assez, assez de fariradondaine
De turlurette et de landerira.
 
De nos dîners, où l’amitié s’épanche,
Je n’entends pas exiler la rondeur ;
Notre gaîté n’en serait pas moins franche
Si nos chansons avaient plus de pudeur,
Comme toujours, attablons-nous sans gêne,
Et des flacons quand l’esprit sortira :
Assez, assez de fariradondaine
De turlurette et de landerira.
 
Dans l’atelier, à la forge, à l’enclume,
Aux lourds marteaux, cent fois retentissants,
Du forgeron que la verve s’allume
Au feu sacré de généreux accents.
Apprenez-lui le mépris de la haine
Et son cœur d’homme à l’amour s’ouvrira :
Assez, assez de fariradondaine
De turlurette et de landerira.
 
Atteint au cœur, le vieux monde agonise,
Et, des abus pour vaincre le pouvoir
Le Peuple enfin a besoin qu’on l’instruise,
enseignez-lui son droit et son devoir.
Il doute encor dans la brume lointaine
Que le Soleil pour Tous se lèvera :
Assez, assez de fariradondaine
De turlurette et de landerira.

1er titre de son livre Chansons d’un homme libre (Paris : Labbé, 1882).

Paru aussi in : L’Art social, 1re année, p. 20-21 (novembre 1891).