Faubourienne, jeune ouvrièreÀ l’air impudique et gamin,Pourquoi te vautrer dans l’ornièreConnaissant l’idéal chemin ?Nous aimons ta coquetterie,Ta franche et perverse beauté ;Pourquoi délaisser la prairieOù gambade la Liberté ?En vain la nature t’appelle,L’ombre s’épand sous les lilasPourquoi vas-tu vers la Chapelle,Maison close de vieux prélats ?Le vent bruit, la source chante,Le soleil dore les côteaux ;Pour te rendre plus aguichanteQue fais-tu donc sur des tréteaux ?Pourquoi poudrer ton frais visage,Noircir tes cils fins et soyeux ?De l’automne c’est le présageEt le printemps rit dans tes yeux.Allons, damoiselle gentille,Par dessus les moulins bourgeoisJette coiffe, collier, mantille :Retrempe ton mur villageois.De ton doigt rose ôte les bagues ;Brise ton coffret d’acajou.Doulce enfant, des humaines vaguesNe sois, pas le frêle joujou.Résiste sans trêve à la fouleSuivant quelques bergers trompeurs ;Voici les lassos qu’on enroulePrends garde aux modernes trappeursFuis l’amour d’un monde trop lâche,Vil troupeaux d’esclaves repus ;Libre et fière, viens à la tâcheLivrer bataille aux corrompus.Du Vrai nous sommes les apôtresSi ton âme est pleine d’émoi,Viens, nous sommes heureux, nous autresViens, et tu comprendras pourquoi ?
Pourquoi
Delon, Robert
Texte de Robert Delon (≤1907).
Paru aussi in : L’Anarchie (1905-1914), nº 113 (6 juin 1907)