Et maintenant que les soldats,Les malheureux soldatsQui ne reviendront pas,Sont à pourrir là-basDans les champs de carnage,Ceux qui leur ont donné ce lamentable sortSe congratulent sans remordsEt font assaut de beau langage !Ils ont déjà mis au panierLe répertoire familier,Lâche et grossier,Des insolences,Imposé par les circonstances,Et sont heureux dans tous les campsDe pouvoir se payer la tête des croquantsEn s’adressant les assurancesDe tous les sentiments chers à « Leurs Excellences ».Les Présidents par-ci, les Chanceliers par-là,Les diplomates pleins d’éclat,De perfidie et de mensonges ;Les maréchaux chamarrés d’or,Incarnant le droit… du plus fortEt le triomphe de la mort.Entourés de larcins plus mous que des éponges,Et Loyola lui-même auteur du tapis vert,Couchent sur le papier la forme de leurs songesPour que ce pauvre monde, où l’homme a tant souffert,Demeure, assujetti par des règles de fer,Plus effroyable qu’un enfer !Bien qu’ils aient sur les mains le sang de tous les crimesIls ont recoursToujoursAu prestige des mots,Que répètent les échos,Pour nous faire oublier les cris de leurs victimesQui cheminaient vers les abîmesAvec des pleurs et des sanglots…Mais nous n’oublions rien de ce que fut la guerreDont nous avons serein les ténébreux dessous,Et nous les châtierons d’avoir voulu la faireÀ l’heure où, triomphants, ils se croiront absous !
Après !…
Bizeau, Eugène
Texte d’Eugène Bizeau (≤1919).
Paru dans Le Libertaire, nouvelle série, 1re année, nº 26 (13 juillet 1919).