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Le Bonhomme Pasquin

Legentil, Édouard


Texte d’Édouard Legentil (1899).


À tout il a réplique,
Le bonhomme Pasguin,
Et ce réveur taquin
Voudrait qu’en République
On fût républicain.
 
1
Dés l’aube battant la semelle,
J’ai pour voisin un savetier
Qui philosophe et se mêle
De refondre le monde entier ;
Tous les jours je courbe l’échine,
Dit-il, en narguant le destin.
Plus maltraité que la machine
Qu’on graisse au moins chaque matin.
 
2
Que de fois je mis une digue
À mon populaire appétit !
Pourtant la nature prodigue
Son sein au grand comme au petit !
Malgré mon salaire qu’on rogne,
Le lundi, je déleste l’eau,
El le viveur m’appelle ivrogne
Quand j’ai mon coup de picolo.
 
3
Pour trente-cinq ans d’esclavage,
Mon contremaître un vieux forban,
Voit honorer ce long servage
Par un petit bout de rubani ;
Du crachat de la caletaille
Je ne suis nullement épris.
Bourgeois ! gardez votre médaille
Comme je garde mon mépris.
 
4
J’admire vos palais de marbre
Oh la richesse à l’art s’unit,
Mais j’envie au faîe de l’arbre
Le moineau qui suspend son nid ;
Moi, vieux vagabond indocile,
Lorsque vient la morte saison,
La Loi m’offre pour domicile
Les quatre murs de la prison.
 
5
Un jour la pensée en récolte
Enfantera la vérité ;
C’est la haine que l’on récolte
Quand on sème l’iniquité.
Grâce à mon humeur insoumise,
De la mort je brave l’écueil
Et crois la Terre promise…
Qui recouvrira mon cercueil.

Paru dans Le Père Peinard, 2e série, nº 125 (12-19 mars 1899).