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Aux prolétaires

anonyme


Anonyme (1898).


Malheureux fils d’un prolétaire
J’ai vu des peuples opprimés
Sous l’étreinte de la misère
Se tordre, maigres, affamés.
De la raison une, immortelle,
Méconnaissant les simples lois,
Travailler, sottise éternelle,
Pour engraisser prêtres et rois. (bis)
 
J’ai vu, dédaigné par la masse,
Notre beau Paris tout en feu
Et ses ouvriers, beaux d’audace,
Concerts de sang sous le ciel bleu.
J’ai vu, oh ! ténèbres profondes,
La logique et nos libertés
Succomber sous les coups immondes
De toutes le iniquités. (bis)
 
Je vous vois, dernière infortune,
Peuples en haillons, sons travail !
Et pourtant dans notre Commune
Vous vites un épouvantail.
Croyez-moi, l’Idée n’est pas morte :
De notre cerveau transformé
Elle rejaillira plus forte,
Pour votre salut, Opprimé ! (bis)
 
Bientôt, je verrai, je l’espère !
La Liberté ressuscitant
À l’Égalité sur la terre
Se marier dans un printemps.
Un peu de patience encore
Et, comble de félicité,
En/in je saluerai l’aurore
D’un siècle de fraternité. (bis)

Paru dans Le Père Peinard, 2e série, nº 87 (19-26 juin 1898) avec cette présentation d’Émile Pouget :

Chanson de cour
L’autre jour, dans la cour de la piôle, voilà que j’entends un vieux bougre qui goualait une chanson ne ressemblant en rien aux trufferies et ragougnasses pleurardes des rengaineurs habituels.

Au lieu des pantoufleries sur le patrouillatisme et des saloperies cafardières, y avait dans celte goualante de la moelle et de la révolte.

C’est chose si rare que j’ai voulu connaître le chanteur.

Le bon bougre m’a raconté son histoire :il a fait la Commune et depuis lors, a mené l’existence, entrelardée de purée, qui est le lot des prolos ; il a roulé d’atelier en atelier, jusqu’au tour où les singes ont toisé ses abattis et ne les trouvant plus assez résistants à la besogne ont refusé de les exploiter.

Que devenir ? Se foutre à l’eau !… Il n’en pinçait nullement !

Vivre quand même, en s’approvisionnant où il v a du superflu ?… Il s’est gratté l’oreille…

Comme il chantonne pas mal et qu’il rimaille coussi-coussa, l’idée lui est venue de goualer dans les cours. Mais, ne voulant pas pousser de chanson qui aille contre ses sentiments il se fend de couplets de sa composition.

Ces couplets, je les fourre sous le nez des bons bougres. Certes, les éplucheurs de rimes pourront y trouver des choses de guingois, mais quoique ça, ils ont de la moelle et ça vaut mieux que de la froideur alignée très prosodiquement.