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La Chanson du ventre

Jouy, Jules


Texte de Jules Jouy (1887) : « à propos de la représentation du Ventre de Paris » d’Émile Zola. Sur l’air « D’la braise » d’Aristide Bruant.


À Émile Zola

Rôdeurs par la faim obsédés
Et qui, cependant, possédez
Un ventre ;
Les sans-ouvrages, aux longues dents ;
Les minables qui n’ont rien dans
Le ventre ;
Tous, au nez du bourgeois traqueur,
Afin de nous donner du cœur
Au ventre ;
Camarades, à l’unisson,
Sans crainte entonnons la chanson
Du ventre.
 
I.c ventre est le point de départ :
L’univers a commencé par
Un ventre ;
Grandi par la maternité,
C’est le nid de l’humanité
Le ventre ;
C’est le tabernacle immortel ;
On devrait dresser un autel
Au ventre ;
Homme ou femme, grand ou petit,
Chacun de nous tous est sorti
Du ventre.
 
Chinois, Français, Turcs, Esclavons,
Rouges, blancs ou noirs, nous avons
Un ventre ;
Rond ou plat, maigre ou rebondi.
C’est étonnant tout ce que dit
Le ventre ;
Gros mangeur ou jeûneur benêt,
L’individu se reconnaît
Au ventre ;
Le possédé, le possesseur
Se distinguent par la grosseur
Du ventre.
 
Exploiteurs, bergers du troupeau.
Vous tous qui prenez pour drapeau
Un ventre ;
Qui, de la chair des harassés,
Effrontément vous engraissez
Le ventre ;
Il viendra, le peuple en fureur ;
Un jour vous suret la terreur
Au ventre ;
Avenir, ton astre luira !
La Justice te sortira
Du ventre !

Publié dans Le Cri du peuple (21 février 1887), puis dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888, p. 97-99).

Il s’agit aussi du 8e titre de la série de chansons de Jouy reprises dans le le journal d’Émile Pouget, Le Père Peinard après le décès du chansonnier. Parue ici dans la (2e série, nº 34, du 13-20 juin 1897).