À mon ami Paul Marrot.
« Cependant, le contre-maître a avoué tous les faits dont il est accusé ; ÷ séparé de sa femme, il ne se contente pas de vivre maritalement avec une autre, il a encore pour maîtresse attitrée une jeune fille de vingt ans, travaillant dans es ateliers. » — Cri du peuple (Le Scandale de Saint-Denis)
Pâle ou vermeille, brune ou blonde,Bébé mignon,Dans les larmes ça vient au monde,Chair à guignon.Ébouriffé, suçant son pouce,Jamais lavé,Comme un vrai champignon, ça pousseChair à pavéÀ quinze ans, ça rentre à l’usine,Sans éventail,Du matin au soir, ça turbine,Chair à travail.Fleur des fortifs, ça s’étiole,Quand c’est girond,Dans un guet-apens, ça se viole,Chair à patrons.Jusque dans la moelle pourrie,Rien sous la dent,Alors, ça rentre en brasserie,Chair à clients.Ça tombe encore : de chute en chute,Honteuse, un soir,Pour deux francs, ça fait la culbute,Chair à trottoir.Ça vieillit, et plus bas ça glisse.Un beau matin,Ça va s’inscrire à la police,Chair à roussins ;Ou bien, sans carte ça travailleDans sa maison ;Alors, ça se fout sur la paille,Chair à prison.D’un mal lent souffrant le supplice,Vieux et tremblant,Ça va geindre dans un hospice,Chair à savants.Enfin, ayant vidé la coupe,Bu tout le fiel,Quand c’est crevé, ça se découpe.Chair à scalpel.Patrons ! Tas d’Héliogabales,D’effroi saisisQuand vous tomberez sous nos balles,Chair à fusils,Pour que chaque chien sur vos trognesPisse, à l’écartNous les laisserons vos charognes,Chair à Macquart !
27 février 1887