Printemps
Le printemps va bientôt naître. Les hirondellesPour que l’azur s’en vienne égayer son berceauFendent le crêpe du brouillard à grands coups d’ailes,Prestes et nets ainsi que des coups de ciseaux.Des rustres stupides et des corbeaux voracesQui s’engraissaient parmi les horreurs de l’hiverEn voyant les oiseaux d’espoir traverser l’airSe liguent aussitôt pour leur donner la chasse.Les hirondelles agonisent en des cages,Leur aile saigne sous la serre des corbeaux,Mais parmi l’azur qui crève enfin les nuagesVoici l’Avril ! Voici le printemps jeune et beau.Ô gouvernants bourgeois à la poigne cruelleEmprisonnez les gens, faites en des martyrs,Tuez si ça vous plaît toutes les hirondelles,Vous n’empêcherez pas le printemps de venir.Été
Pour emblaver ces champs, quelques gâs ont suffiIls n’ont jeté que quelques poignées de semenceMais le miracle blond de l’Été s’accomplitCent faucheurs sont penchés sur la moisson immense.De chaque grain tombé dans la nuit du sillonUn bel épi s’est élancé vers la lumièreEt nul ne peut, sous le vol bleu des faucillonsCompter tous les épis de la récolte entière.Ô vous, plus isolés encor que les semeursQui sont passés dans la plaine au temps des emblaves,En la nuit des cerveaux et l’intensité des cœursJetez votre bon grain sur le champ des Esclaves.Fiers semeurs de l’Idée, jetez votre bon grain.Il dormira comme le blé dort dans la terre.Mais innombrable, aux beaux jours de l’Été prochain,Votre moisson resplendira dans la lumière !Automne
Comme un monde qui meurt écrasé sous son Or,La Forêt automnale en son faste agoniseEt ses feuilles, comme les pièces d’un trésor,S’amoncellent sous le râteau fou de la bise.Parmi la langueur des sous-bois, on sent flotterLa même odeur de lente mort et de luxureQui vous accable au cœur des trop riches cités :Tout l’Or de la Forêt s’exhale en pourriture !Mais nous savons que de l’amas de ce fumierDoit fleurir, en l’élan de la sève prochaine,La gaieté des coucous, la grâce des aubiers,La douceur de la mousse et la beauté des chênes.Notre Société ressemble à la Forêt,Nous sommes en Novembre, et l’Automne est en elle.Ô fumier d’aujourd’hui ! plus ton lit est épais !Plus l’Avril sera vert dans la Forêt nouvelle !Hiver
Tristes, mornes, muets, voûtés comme une échineDe malheureux tâcheron, les vieux monts ont l’airD’un peuple d’ouvriers sur un chemin d’usine,Et leur long défilé semble entrer dans l’Hiver.En un effeuillement lent de pétales sombresLa neige tombe comme tombe la DouleurEt la Misère sur le dos des travailleurs.La neige tombe sur les monts. La neige tombe.Emprisonnant leur flanc, écrasant leur sommet,Sous un suaire dont la froideur s’accumuleEncor ! Toujours ! plus fort ! la neige tombe. MaisAu simple bruit d’un pas heurtant le crépuscule,Les vieux monts impassibles travaillent soudainEt leur révolte gronde en avalanche blancheQui renverse et qui brise tout sur son chemin…Sur notre monde un jour, quelle horrible avalanche !
Saisons
Couté, Gaston
Texte de Gaston Couté (1910). Puis musique de Claude Antonini (2001, 2005).
Texte paru dans l’Almanach de « La Guerre sociale » pour 1911 (1910).