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Le Pain cher

Couté, Gaston


Texte signé « le Subéziot » (Gaston Couté, 1910).


Tout le fumier des scandales,
Tel celui dont nous voyons
Les ordures qui s’étalent,
N’engraisse pas les sillons ;
 
Et cette « baugée » intense
Que viennent d’accumuler
Les porcs de la Préfectance
Ne fait pas pousser le blé !
 
La moisson sera mauvaise…
L’épi rare et languissant
A mûri mal à son aise
Dessous un soleil absent.
 
Et — conséquence fatale
De ce lamentable été —
Le pain, dans la capitale,
Va, sans doute, être augmenté ?
 
Oui, le pain dont l’âme entière
Est toute pleine d’amour,
Le pain blanc de la prière,
Notre pain de chaque jour !
 
Le pain vaudra cher la livre
Cet hiver, annonce-t-on :
On aura du mal à vivre
Avec ce sacré « brichton ».
 
Dans bien des pauvres ménages
La femme ira (faut manger !)
Mettre les meubles en gage
Pour payer le boulanger.
 
Les mêmes, dans la cuisine,
À la place du buffet,
Danseront la capucine
A l’heure où l’on doit bouffer.
 
Mais un jour, le philanthrope
De la Tour Pointue aura
L’heur de piquer sa syncope
Devant un tel embarras :
 
Il enverra vers le père,
Gréviste ou manifestant,
Tous les flics de son repaire
Pour l’assister à l’instant…
 
Sur le pauvre, en large averse,
Des pains tomberont alors
Plus lourds que ceux du commerce
Et qui tiennent mieux au corps !

(Samedi 30 juillet 1910)


Paru dans La Barricade, nº 9 (30 juillet 1910).